Une stratégie européenne sur l’hydrogène « irréalisable » selon la CCE

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La Commission européenne « a fixé des objectifs irréalistes en matière de production et d’importation d’hydrogène renouvelable. L’Union européenne n’est pas en voie de les atteindre ». L’avis rendu le 17 juillet par la Cour des comptes européenne (CCE), à l’issue d’un rapport de 134 pages¹, semble sans appel. Mi-2020, la Commission a publié une stratégie européenne de l’hydrogène révisée en 2022 par le plan RePowerEU. Ces documents fixaient, en 2024, une capacité installée d’électrolyseurs de 6 GW et la production de 1 Mt d’hydrogène renouvelable. D’ici 2030, ils prévoyaient la mise en service d’une capacité d’électrolyse de 40 GW et d’une production jusqu’à 10 Mt d’hydrogène renouvelable. Le plan RePowerEU avait confirmé ce cap en 2022 et ajouté l’objectif d’importer 10 Mt d’hydrogène renouvelable supplémentaires. Or, la CCE rapporte que « les projets en matière d’hydrogène renouvelable, considérés à un stade avancé, produiront de l’ordre de 2,7 Mt d’ici à 2030 ». L’analyse des Plans nationaux intégrés énergie-climat (PNIEC), transmis à la Commission par les États membres l’an passé, montrent en outre qu’un seul pays, l’Allemagne, mentionne des objectifs en matière d’importation d’hydrogène renouvelable.

Pour expliquer ce décalage entre les objectifs fixés par la stratégie européenne et la situation actuelle, la CCE détaille plusieurs raisons. « La commission a fixé des objectifs en matière de capacité sans analyses rigoureuses » ni « mesures contraignantes vis-à-vis des États membres pour les atteindre », épingle-t-elle. L’objectif de production de 10 Mt par exemple « repose sur la consommation réelle d’hydrogène d’origine fossile, produit à partir de gaz naturel. Or, rien ne garantit que cette consommation sera entièrement remplacée par de l’hydrogène renouvelable », illustre la CCE. Quant à l’objectif en matière de capacité d’électrolyse, « il a été préconisé dans un document publié par un groupe de pression de l’hydrogène » ! En ce qui concerne la demande, elle « n’atteindrait pas 10 Mt en 2030 », selon les prévisions de la Cour. Enfin, la Commission a reconnu, à l’issue d’une nouvelle simulation en 2023, que les importations d’hydrogène seront, elles aussi, inférieures à 10 Mt jusqu’au moins 2040.

Parmi les autres raisons qui expliqueraient le décalage avec la stratégie européenne, la CCE cite « les ambitions divergentes et pas nécessairement alignées entre les objectifs de l’Union et des États membres ». Est également souligné « le démarrage chaotique des projets » dû « à l’absence de règles claires définissant l’hydrogène renouvelable » jusqu’en juin 2023 ! La longueur des procédures d’octroi des permis de produire est aussi avancée. L’absence de normes et de systèmes de certification, le contexte inflationniste, la complexité des financements, ou encore, l’absence de réseaux de transport et de distribution sont d’autres raisons évoquées.

Entre 2021 et 2027, la Commission a prévu de débloquer 18,8 Md€ pour financer la stratégie européenne sur l’hydrogène par le biais principalement du programme de relance NextGenerationEU et le Fonds pour l’innovation, sous la forme de Projets importants d’intérêt européen commun (PIIEC). Une partie de ces financements est gérée par la Banque européenne de l’hydrogène créée en novembre 2023. La volonté d’un guichet unique pour rassembler les différents dispositifs d’aides est d’ailleurs l’une des recommandations de la CCE. Cette dernière estime entre 335 et 471 Md€ les investissements nécessaires pour atteindre les objectifs de la stratégie européenne sur l’hydrogène d’ici 2030 ! Dans cette fourchette, 200 à 300 Md€ seraient consacrés à accroître les capacités de production d’hydrogène renouvelable. In fine, la CCE recommande à la Commission une remise à plat complète de cette stratégie assortie d’une feuille de route à l’échelle de l’Union et à l’attention de chaque État membre. À ces derniers, il est demandé de fournir des données fiables sur leurs financements nationaux en matière d’hydrogène et d’améliorer les procédures d’octroi des permis de produire. Comme souvent dans les rapports de la CCE, un meilleur suivi et une simplification des financements européens sont encouragés.

Notes :
1. «La politique industrielle de l’UE en matière d’hydrogène renouvelable», CCE. 

Erick Demangeon

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