L’industrie ferroviaire en attente d’une ordonnance pour soigner ses retards

©Flickr

Les pouvoirs publics et les protagonistes de l’industrie ferroviaire, des constructeurs aux clients, espèrent tous franchir un cap important en s’accordant sur les causes et les remèdes à un fléau qui affaiblit leur secteur : les retards systémiques des livraisons de matériel roulant. Les ministres de l’Industrie, Marc Ferracci, et des Transports, Philippe Tabarot, attendent pour cet été les conclusions d’une mission confiée en début d’année à trois experts. À côté d’Yves Ramette, ancien de la RATP et de SNCF Réseau, les deux autres rapporteurs promettent d’apporter un regard extérieur sur cette industrie ferroviaire si spécifique : Christian Dugué est un ancien de Naval Group et de la DGA, François Feugier, un expert industriel passé chez Safran, Air Liquide, Renault et Valeo.

Le mal semble si structurel que les coups de gueule publics des entreprises ferroviaires et des autorités organisatrices, les menaces de lourdes pénalités – qui accroissent les problèmes de trésorerie des constructeurs – se sont révélés inefficaces. On se souvient des déclarations fin 2024 de la présidente d’Île-de-France Mobilités, Valérie Pécresse, qui représente un client majeur d’Alstom France, annonçant « mettre une pression maximale sur Alstom et CAF » afin qu’ils limitent le retard pris dans la mise en service du RER MI 2N, repoussée de 2025 à 2027. Une fois les problèmes conjoncturels résorbés (la pandémie, les difficultés d’approvisionnement, la hausse du prix des matières premières, les capacités industrielles insuffisantes), les autres sont restés ancrés. Le rapport doit formuler des solutions de fond pour améliorer la situation de manière « substantielle » d’ici trois ans, à partir de la compréhension des retards accumulés dans la livraison des TGV M (Alstom), des rames Intercités Oxygène (CAF) et MI 20. « Il existe autant de produits que de projets, ce n’est pas rationnel » s’est étonné le président d’Alstom, Philippe Petitcolin, à son arrivée, à l’instar de ceux venus comme lui de l’aéronautique ou de l’automobile et qui découvrent les caractéristiques du ferroviaire : la production des modèles en petite quantité, liée aux normes qui peuvent différer d’un pays européen à l’autre ; le besoin de s’adapter aux demandes des régions qui veulent avoir un Regio 2N ou un Régiolis différent de celui du voisin ; le poids prépondérant de la SNCF dans la définition des spécifications, qui tient de la lutte de pouvoir avec son fournisseur en matière de magistère technique, etc. « Il existe trois fois plus de spécifications sur les trains français que dans les pays voisins. Et, en plus, cela change constamment, elles ne sont jamais figées », dénonce le président de la FIF, Patrick Jeantet (Les Echos 23/05), en pointant la SNCF. Les trains Oxygène comptent par exemple deux fois plus de câblage que dans leur version vendue aux Pays-Bas. Grande productrice de normes, l’Union européenne n’est pas non plus épargnée, accusée d’ajouter sans cesse des couches supplémentaires. À l’arrivée, il en résulte des coûts supplémentaires en matière d’ingénierie, de fournitures, d’essais et d’homologation. La situation semble devenue intenable. « Aucun constructeur n’a intérêt aujourd’hui à construire des trains en France, car on ne peut pas y gagner d’argent » déclare Alain Picard le président de CAF France. Cas pratique à l’appui, il plaide pour des procédures raccourcies. « Les programmes Régiolis et Regio 2N arrivent en fin de vie et si une région veut acheter un train, il n’en existe actuellement aucun qui soit homologué en France », souligne-t-il.

L’infrastructure peut aussi jouer de mauvais tours. Le renouvellement du matériel roulant du RER C programmé par IDFM à l’horizon 2035 pourrait a priori se jouer sur la base de train existant sur catalogue. « Mais ce ne sera pas le cas, il faudra concevoir un train adapté à la hauteur de la voûte du tunnel à hauteur de Saint-Michel », avertit Alain Picard.

Marc Fressoz

ACTUALITÉS

LE POINT SUR

Mobilité militaire, l’oubliée de la conférence Ambition France Transports ?

Erick Demangeon

LONGUE DISTANCE

Vent de fronde contre les politiques bagages des sept compagnies low cost européennes

Jean-Claude Pennec

LOGISTIQUE

Un modèle pour le transport routier longue distance décarboné

Erick Demangeon

STRATÉGIE

Le transport aérien français vent debout contre une décroissance qui prend de l’ampleur

Jean-Claude Pennec

TRANSPORTS DU QUOTIDIEN

Le réseau express métropolitain de Strasbourg serait-il le laboratoire des futurs SERM ?

Michel Chlastacz

TRANSITION ÉNERGÉTIQUE - NOUVELLES ÉNERGIES

Éolien flottant : les ports néo-aquitains s’unissent

Erick Demangeon