L’intermodalité a des boulets au pied en Europe
©Everysens
Le transport intermodal consiste à transporter des marchandises dans une seule unité de chargement (conteneur, caisse mobile…) en utilisant une combinaison de modes de transport : route, fer, voie d’eau, maritime ou aérien.
En théorie, il a le potentiel d’optimiser les atouts relatifs à chacun des modes en matière de flexibilité, de vitesse, de coûts et de performance environnementale. À ce titre, le transport intermodal est considéré comme une technique clé pour décarboner les transports de fret en Europe. Or, un rapport de la Cour des comptes européenne (CCE), du 27 mars, a estimé que l’organisation actuelle du marché européen des transports limitait son développement. Les conditions de concurrence, sur ce marché, ne lui permettraient pas de proposer un report modal efficace, pour rivaliser avec « le tout routier », dont la part s’élèverait à « environ 77 % et augmente dans l’Union européenne (UE) », selon la CCE.
Dans ses conclusions, la Cour semble indiquer que les raisons de cet échec ne sont pas financières. « Sur la période 2014-2020, les financements engagés par l’UE (via le FEDER, le fonds de cohésion et le MIE) pour soutenir l’intermodalité se sont élevés à 1,1 Md€. » Au vu des enjeux du report modal, environnementaux en particulier, on peut s’étonner que ce budget soit considéré comme suffisant… Les causes seraient davantage d’ordre stratégique, réglementaire et infrastructurel, d’après la CCE. « Aucune stratégie européenne spécifique en faveur de l’intermodal n’a été établie. L’intermodalité fait partie de stratégies plus larges qui fixent des objectifs quantitatifs pour une utilisation accrue du rail et des voies navigables. Ces objectifs n’étant pas contraignants, les États membres ont fixé les leurs. » Or, ces derniers ne seraient pas comparables et conformes avec ceux de l’UE. « Il est donc impossible d’évaluer si leurs efforts nationaux de report modal sont suffisants pour atteindre les objectifs globaux de l’UE », critique-t-elle.
La Cour affirme, en outre, que les règles en vigueur freinent l’attractivité de l’intermodalité. La directive sur le transport combiné, dont la version actuelle a été adoptée en 1992, est considérée comme « dépassée et inefficace ». « Il est exigé, par exemple, qu’un document papier estampillé par les autorités ferroviaires ou portuaires soit présent tout au long du voyage, au lieu d’une procédure numérisée. » À la décharge de la Commission européenne, la CCE souligne que cette dernière « a tenté à plusieurs reprises de réviser cette directive, mais n’a pas réussi à obtenir l’accord des États membres ».
Enfin, le rapport pointe « les retards des États membres pour adapter leurs infrastructures de transport aux exigences techniques fixées par l’UE ». Il indique, entre autres, que « seule la moitié des corridors centraux du réseau transeuropéen de transport (RTE-T) accepte des trains d’une longueur supérieure à 740 m » et donc plus compétitifs face à la concurrence 100 % routière. D’après la CCE, le manque d’information, sur les capacités des terminaux multimodaux et sur les réseaux de transport alternatifs à la route, empêcherait aussi de développer de nouveaux services intermodaux. « La Commission ne dispose pas d’une vue d’ensemble des terminaux existants, et de ceux non encore construits ou modernisés, pour répondre aux besoins et à la demande de transport de fret », constate la Cour.
La CCE estime que les objectifs fixés d’ici 2050 par l’UE, de doubler la part du fret ferroviaire et d’augmenter de 50 % le transport fluvial de marchandises, sont irréalistes et irréalisables. Pour tenter de les atteindre, elle recommande de fixer des valeurs cibles, relatives à la part modale, le long des corridors du réseau RTE-T central, avec suivi de ces valeurs. Elle encourage la révision et la modification des textes réglementaires actuels, en vue d’améliorer la compétitivité du transport modal. Une évaluation coordonnée entre les États membres, sur les besoins en terminaux multimodaux, et une analyse coûts-avantages des projets financés par l’UE, évaluant leur potentiel de report modal, complètent les recommandations de la Cour. La révision en cours du règlement relatif au RTE-T pourrait faciliter la mise en œuvre de cette évaluation. Cette révision prévoit que les États membres seront tenus d’évaluer désormais leurs besoins en terminaux intermodaux. La Commission pourrait ensuite adopter des actes d’exécution pour fixer des délais et des conditions de réalisation.
L’audit mené par la CCE, à l’origine de son rapport, a été réalisé dans 7 pays de l’UE, dont la France, et a examiné 16 projets ayant bénéficié d’un financement européen. Trois flux logistiques, rassemblant les 7 pays, ont été étudiés, en particulier le corridor Rhin-Alpes (entre la Belgique, les Pays-Bas et l’Italie), le corridor mer du Nord-Baltique (entre la Pologne et l’Allemagne) et les corridors atlantique et méditerranéen (reliant l’Allemagne à l’Espagne via la France).
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Le 7 avril 2022, le Forum Vies Mobiles a publié : « La Ville du quart d’heure : voie à suivre ou mirage idéologique ? » Carlos Moreno, le diffuseur de la ville du quart d’heure, et Pierre Veltz, ingénieur, économiste et urbaniste, qui en remet en cause les vertus, répondaient aux questions introductrices de Vincent Kaufmann. J’invite nos lecteurs à qui cette publication aurait échappé à lire les deux contributions qui posent des questions importantes pour le pilotage des évolutions économiques, écologiques, sociales et territoriales auxquelles notre pays doit faire face. Dans une France en archipel sur le plan territorial et sociologique, que les commentateurs du dernier scrutin s’accordent à déclarer fracturée sur le plan politique, il sera utile d’explorer rationnellement les points de la controverse pour trouver des solutions opératoires et acceptées. La disjonction entre la ville des électeurs et la ville active des travailleurs de la première ligne et des jeunes cadres et employés du secteur productif explique pourquoi la maire de Paris (à l’instar des maires socialistes et verts des grandes villes) a obtenu un score très élevé aux élections municipales et assez modeste au niveau national. Ce n’est pas uniquement l’effet d’un vote utile. Un entrepreneur politique ne présente plus une offre collective, mais tente d’agréger les différentes demandes de ses « clients », face à des attentes aussi divergentes et sans projets collectifs, ce n’est pas facile. Avec le « package de la ville du quart d’heure », on gagne les municipales, mais on n’a pas de projets collectifs pour la Nation.
Lors des scrutins locaux, les électeurs des grandes villes choisissent ce qui leur semble être le meilleur programme pour gérer leur cocon urbain habillé par des valeurs correspondant à leur intérêt immédiat. Au niveau national, les citoyens comprennent assez clairement qu’il faut que la machine à produire du pouvoir d’achat continue de fonctionner et estiment, majoritairement, qu’il n’est pas tout à fait sérieux d’affirmer que les difficultés d’un pays où les dépenses publiques pèsent structurellement 55 % du PIB résultent au premier chef des effets d’un néolibéralisme effréné.La fin de l’opposition entre la droite et la gauche historiques (au sens ancien : les rentes vs l’égalité des chances, le partage de la valeur ajoutée entre le travail et le capital, la reproduction des conditions, surtout à travers l’école et l’héritage immobilier1 vs le mérite, l’émancipation par la culture et le travail vs l’aliénation du travailleur machine, etc.) n’est pas le fruit d’une recomposition politique, mais la traduction idéologique d’une évolution fondamentale. Jusqu’à la fin des années 1980, en France, on pouvait encore dire « les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain » sans être contredit par les faits.
Les forts gains de productivité du secteur productif généraient un surplus suffisant pour financer l’extension des services publics et de l’État providence. Les surplus d’aujourd’hui servent une augmentation de la valeur des actifs qui concentre le patrimoine et alimentent surtout les recettes fiscales. Il s’en suit une perte de sens et même une inversion des valeurs. La valeur travail, le mérite, l’ouverture sont revendiqués par le bloc élitaire et le repli identitaire, nationaliste ou vers des petites communautés localistes et des tribus sont devenues des valeurs de la gauche populaire qu’elle soit classée – à tort pour la majorité des électeurs – d’extrême droite ou d’extrême gauche. Sans un projet collectif, il sera difficile de concilier des aspirations démocratiques si différentes selon les échelles. Il s’agit d’un défi majeur pour les politiques d’aménagement des territoires et de transport dans un contexte de retour de l’inflation et de nécessaire maîtrise de la consommation d’énergie. L’équipe de TI&M – économie, politique, société – prépare un dossier dans les prochains mois pour apporter sa contribution au débat.
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