Transport maritime : l’incertitude grandit
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Après une croissance de 2,2 % en 2024, le commerce maritime devrait stagner cette année avec des volumes en hausse d’environ 0,5 %. Face à ce ralentissement, la Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (CNUCED) exhorte les pays « à stabiliser leurs politiques commerciales » dans son rapport annuel sur l’économie maritime publié fin septembre¹. Cette action contribuerait aussi « à atténuer la hausse des coûts du transport maritime », selon elle. Est visée la guerre des droits de douane que se livrent plusieurs pays depuis le mois d’avril et les augmentations annoncées pour exporter vers les États-Unis. En tenant compte des frais portuaires imposés par les États-Unis également pour certains navires construits ou exploités dans quelques pays, ces mesures « redessinent la géographie et les routes maritimes. Il en résulte davantage de réacheminements, de retards, d’escales manquées et de trajets plus longs » qui augmentent les taux de fret, constate-t-elle.
Les enjeux géopolitiques et de souveraineté redessinent en outre la navigation commerciale. La CNUCED évoque « les rivalités pour sécuriser les approvisionnements » des minerais critiques, terres rares et autres énergies renouvelables. Quant aux tensions persistantes en mer Rouge et dans le détroit d’Ormuz, elles détournent une partie des flux par le cap de Bonne-Espérance. L’allongement des distances participe à la hausse et à la volatilité des tarifs maritimes. « Ces changements d’itinéraires sur de longues distances ont maintenu un haut niveau d’activité des navires l’année dernière avec une croissance record de près de 6 % des tonnes-milles », confirme l’organisme onusien. Son rapport alerte en outre sur les perturbations croissantes dans les ports à l’origine « d’engorgements et de temps d’attente plus longs ». Il pointe notamment le retard pris dans la décarbonation de leurs équipements et leurs offres ainsi que dans le domaine numérique. Aussi la CNUCED recommande-t-elle aux États « de mettre en œuvre des accords en matière de facilitation des échanges et d’automatisation et de développer des partenariats publics-privés dans les opérations portuaires ». Qualifiée de « priorité essentielle », la cybersécurité est l’une des collaborations publiques-privées envisagées.
1,9 million de marins sur 112 500 navires
Le dernier volet du rapport onusien se consacre aux défis climatiques et sociaux. En 2024, les émissions de gaz à effet de serre du transport maritime ont progressé de 5 %. « Si les navires à carburants alternatifs représentent plus de la moitié du tonnage des nouvelles commandes, seuls 8 % du tonnage de la flotte mondiale en exploitation aujourd’hui est équipé pour naviguer avec ces carburants. » En janvier 2025, la flotte de commerce mondiale comptait 112 500 navires totalisant 2,44 milliards de tonnes de port en lourd. La Grèce, la Chine et le Japon contrôlent plus de 40 % de cette capacité tandis que près de 50 % des navires sont enregistrés sous pavillons du Libéria, du Panama et des îles Marshall.
Le taux de recyclage de cette flotte mondiale reste également faible. « Il pourrait croître avec l’entrée en vigueur en juin 2025 de la convention de Hong Kong sur le recyclage sûr et écologiquement responsable », espère la CNUCED.
Enfin, l’année 2024 s’est soldée sur un niveau record d’abandon de marins. Visant à protéger les droits des gens de mer, « un nouvel amendement à la convention du travail maritime entrera en vigueur en 2027. Il renforcera les droits au rapatriement et aux permissions à terre » dans les pays qui l’auront adopté… Le rapport recense 1,9 million de marins dans le monde.
Sous la pression des États-Unis et de plusieurs pays exportateurs d’énergies fossiles, l’Organisation maritime internationale a décidé de reporter d’un an l’accord sur la décarbonation du transport maritime, le 17 octobre à Londres. Le « Net Zero Framework », nom de l’accord qui devrait être repris dans la Convention Marpol, avait été approuvé en avril dernier pourtant par le Comité de la protection du milieu marin (MEPC) de l’OMI. Le paquet « Zéro émission nette » vise à instaurer une norme mondiale d’intensité carbone à partir du cycle complet du carburant, « du puits à l’hélice ». Il prévoit la mise en œuvre d’un mécanisme de tarification des émissions qui reposerait sur un système d’achat et d’échange d’unités carbone géré par un fonds ad hoc. Les produits de ce système sont destinés à soutenir la transition énergétique du transport maritime, à financer l’innovation et à assurer une assistance technique aux pays en développement. Le report d’un an crée une incertitude supplémentaire pour l’économie maritime et les investissements nécessaires pour la décarboner. Dans le meilleur des cas, l’accord « Zéro émission nette » entrera en vigueur dès 2028 compte tenu des délais de ratification.
Notes
1. Review of Maritime Transport 2025 : Staying the Course in Turbulent Waters.
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Le 7 avril 2022, le Forum Vies Mobiles a publié : « La Ville du quart d’heure : voie à suivre ou mirage idéologique ? » Carlos Moreno, le diffuseur de la ville du quart d’heure, et Pierre Veltz, ingénieur, économiste et urbaniste, qui en remet en cause les vertus, répondaient aux questions introductrices de Vincent Kaufmann. J’invite nos lecteurs à qui cette publication aurait échappé à lire les deux contributions qui posent des questions importantes pour le pilotage des évolutions économiques, écologiques, sociales et territoriales auxquelles notre pays doit faire face. Dans une France en archipel sur le plan territorial et sociologique, que les commentateurs du dernier scrutin s’accordent à déclarer fracturée sur le plan politique, il sera utile d’explorer rationnellement les points de la controverse pour trouver des solutions opératoires et acceptées. La disjonction entre la ville des électeurs et la ville active des travailleurs de la première ligne et des jeunes cadres et employés du secteur productif explique pourquoi la maire de Paris (à l’instar des maires socialistes et verts des grandes villes) a obtenu un score très élevé aux élections municipales et assez modeste au niveau national. Ce n’est pas uniquement l’effet d’un vote utile. Un entrepreneur politique ne présente plus une offre collective, mais tente d’agréger les différentes demandes de ses « clients », face à des attentes aussi divergentes et sans projets collectifs, ce n’est pas facile. Avec le « package de la ville du quart d’heure », on gagne les municipales, mais on n’a pas de projets collectifs pour la Nation.
Lors des scrutins locaux, les électeurs des grandes villes choisissent ce qui leur semble être le meilleur programme pour gérer leur cocon urbain habillé par des valeurs correspondant à leur intérêt immédiat. Au niveau national, les citoyens comprennent assez clairement qu’il faut que la machine à produire du pouvoir d’achat continue de fonctionner et estiment, majoritairement, qu’il n’est pas tout à fait sérieux d’affirmer que les difficultés d’un pays où les dépenses publiques pèsent structurellement 55 % du PIB résultent au premier chef des effets d’un néolibéralisme effréné.La fin de l’opposition entre la droite et la gauche historiques (au sens ancien : les rentes vs l’égalité des chances, le partage de la valeur ajoutée entre le travail et le capital, la reproduction des conditions, surtout à travers l’école et l’héritage immobilier1 vs le mérite, l’émancipation par la culture et le travail vs l’aliénation du travailleur machine, etc.) n’est pas le fruit d’une recomposition politique, mais la traduction idéologique d’une évolution fondamentale. Jusqu’à la fin des années 1980, en France, on pouvait encore dire « les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain » sans être contredit par les faits.
Les forts gains de productivité du secteur productif généraient un surplus suffisant pour financer l’extension des services publics et de l’État providence. Les surplus d’aujourd’hui servent une augmentation de la valeur des actifs qui concentre le patrimoine et alimentent surtout les recettes fiscales. Il s’en suit une perte de sens et même une inversion des valeurs. La valeur travail, le mérite, l’ouverture sont revendiqués par le bloc élitaire et le repli identitaire, nationaliste ou vers des petites communautés localistes et des tribus sont devenues des valeurs de la gauche populaire qu’elle soit classée – à tort pour la majorité des électeurs – d’extrême droite ou d’extrême gauche. Sans un projet collectif, il sera difficile de concilier des aspirations démocratiques si différentes selon les échelles. Il s’agit d’un défi majeur pour les politiques d’aménagement des territoires et de transport dans un contexte de retour de l’inflation et de nécessaire maîtrise de la consommation d’énergie. L’équipe de TI&M – économie, politique, société – prépare un dossier dans les prochains mois pour apporter sa contribution au débat.
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