À l’occasion du Comité interministériel de l’innovation du 10 avril, une version révisée de la Stratégie nationale hydrogène (SNH) a été présentée. L’une de ses révisions concerne les objectifs d’installation d’électrolyseurs sur le territoire pour produire de l’hydrogène « vert », ou bas-carbone, à partir d’eau et d’électricité. Initialement fixée par la première SNH en 2020 à 6,5 GW en 2030 et 10 GW en 2035, la capacité a été révisée à la baisse pour atteindre 4,5 GW en 2030 et 8 GW en 2035. Toujours « irréaliste » selon un rapport de la Cour des comptes publié le 5 juin sur le soutien public à la filière hydrogène qui remet également en question les ambitions portées par la SNH II.
Deux technologies permettent de produire de l’hydrogène bas-carbone : le captage-stockage du carbone issu du vaporeformage, qui conserve la dépendance aux énergies fossiles, et l’électrolyse de l’eau nécessitant de lourds investissements et présentant un faible rendement énergétique. Cette seconde technologie a été retenue par les SNH. Or, la Cour estime que seulement une capacité de 0,5 GW sera effectivement sécurisée d’ici 2030. Au mieux, les capacités pourraient atteindre 3,1 GW en 2030, mais resteraient inférieures aux 4,5 GW fixées par la nouvelle SNH. Laquelle ne tiendrait pas compte non plus des révisions récentes à la baisse de la consommation d’hydrogène émises par l’Agence internationale de l’énergie (AIE), le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ou par la Cour des comptes européenne. Les hypothèses et objectifs « très optimistes (retenus dans les SNH) fragilisent la crédibilité de la stratégie française de décarbonation de l’économie », conclut la Cour.
L’action publique subventionne l’ensemble de la chaîne de valeur de l’hydrogène pour 9 Md€. Ce montant a été annoncé dans la première SNH en 2020 : 2 Md€ prévus pour la R&D, 1,5 Md€ pour l’industrialisation, 1,4 Md€ pour la mise en service d’électrolyseurs et au moins de 4 Md€ pour la production d’hydrogène et ses usages. Pour la Cour, ce montant est incomplet, car il n’intègre pas tous les dispositifs bénéficiant à la filière : compensation carbone, exonération d’accises sur les prix de l’électricité et le taux réduit de tarif des réseaux publics d’électricité (TURPE). Leur prise en compte élèverait le soutien public entre 9,5 et 13 Md€ !
En dépit d’un changement de doctrine sur les usages de mobilité dans la nouvelle SNH (en faveur de l’aérien et du maritime), le rapport s’étonne de la part importante des financements publics déjà accordée au secteur routier (46 % des dépenses engagées). La critique vise notamment certains projets comme la gigafactory de piles à combustible Symbio, inaugurée en décembre 2023 à Saint-Fons, près de Lyon, ou le soutien aux flottes professionnelles.