Les tarifs opaques des bornes de recharge électriques sont pointés du doigt par l’Autorité de la concurrence

©iStock

Nouvelle encourageante pour la décarbonation des transports individuels : le nombre de bornes de recharge électrique sur la voie publique s’étoffe avec une croissance de 33 % entre 2023 et 2024, au point de faire de la France le deuxième pays européen le mieux équipé derrière les Pays-Bas avec plus de 100 000 unités déjà installées. Cependant, une autre nouvelle, inquiétante, ternit le tableau : une certaine anarchie dans le déploiement de ce service menace d’abîmer la confiance de l’automobiliste et pourrait rompre la dynamique de conversion à l’électromobilité. « L’expérience de la recharge demeure complexe pour l’utilisateur et la tarification de la recharge particulièrement opaque », alerte l’Autorité de la concurrence dans un avis publié le 11 juin (intitulé « le fonctionnement concurrentiel des infrastructures de recharge pour véhicules électriques ») après son autosaisine début 2023. Elle déplore un « déficit informationnel » tant « avant l’acte de recharge pour comparer les prix » que « postérieurement à la recharge pour identifier rapidement le prix effectivement payé ». Plusieurs éléments sont de nature à restreindre la transparence. Il s’agit des paramètres liés au prix de la recharge (à la minute, au kilowattheure, avec d’éventuels frais) et de leurs variables (puissance de la borne, caractéristiques du véhicule), déplore l’Autorité de la concurrence. Il y a urgence à rectifier le tir « avant qu’il ne soit trop tard », exhorte son président Benoît Cœuré. La situation sème le trouble. Elle peut aboutir à ce que dans une même station, deux automobilistes payent leur recharge avec des écarts sensibles de prix.

L’Autorité formule des recommandations pour améliorer structurellement le fonctionnement du marché et prône des mesures destinées à garantir aux consommateurs une information transparente : imposer aux opérateurs « une tarification de la recharge au kilowattheure », installer sur les autoroutes – comme pour le carburant – des totems annonçant les tarifs, ou encore afficher le prix payé en fin de recharge.

D’où vient une telle opacité ? D’un développement mal encadré par l’État, caractérisé par une diversité de donneurs d’ordre (État, collectivités locales, sociétés concessionnaires d’autoroute, etc.) qui sélectionnent leurs prestataires par appel d’offres ou de gré à gré couplé à l’existence d’une multitude d’opérateurs de recharge au nombre de 400 en France. Leur profil est varié, il peut s’agir de pétroliers, d’énergéticiens, de constructeurs automobiles, mais aussi d’opérateurs de mobilité, c’est-à-dire d’acteurs faisant le lien entre les fournisseurs et le client final (près d’une centaine recensée). Autre élément différenciant, certains détiennent du foncier, ce qui leur confère un avantage. L’existence de trois types de relations commerciales entre le consommateur et l’exploitant pèse aussi. Le client effectue l’opération soit à l’acte sans abonnement, directement après d’un opérateur de recharge, soit avec un abonnement par l’intermédiaire d’un opérateur de mobilité qui est également opérateur de recharge, soit via un contrat avec un opérateur de mobilité externe distinct du fournisseur de la recharge. Pour le gendarme de la concurrence, l’État aurait intérêt à renforcer les pouvoirs du coordonnateur interministériel chargé de piloter le déploiement du réseau de bornes en France.

Marc Fressoz

ACTUALITÉS

LE POINT SUR

La décarbonation du transport aérien : vingt-cinq ans pour la mener à bien

Jean-Claude Pennec

LOGISTIQUE

Premiers effets du paquet mobilité dans le transport routier européen ?

Erick Demangeon

CONCURRENCE & MARCHÉS

Raffinage le début de la réorganisation

Erick Demangeon

CONCURRENCE & MARCHÉS

Avec l’A350, Airbus s’impose enfin sur le marché des gros-porteurs

Jean-Claude Pennec

STRATÉGIE

Démarche d’intelligence économique sur la normalisation logistique

Erick Demangeon

TECHNOLOGIE

Tournée du laitier pour bioGNL

Erick Demangeon