Le transport aérien français vent debout contre une décroissance qui prend de l’ampleur

©© iStock - Le couvre-feu d’Orly, une raison parmi d’autres de la décroissance de l’aérien en France.

Le transport aérien français est à un tournant, affirme Pascal de Izaguirre, président de la FNAM qui, après d’autres (telle l’Union des aéroports français [UAF], voir TI&M no 550), s’inquiète, chiffres à l’appui, de la « décroissance » du secteur. Non seulement la croissance du trafic y a été en 2024 la plus faible parmi les 10 pays européens leaders du secteur, mais la France est le seul des 12 plus grands pays européens à voir sa capacité aérienne baisser en 2025, alors que la Turquie enregistre + 4,85 % et la Pologne + 11 %. Même chose pour l’évolution du nombre de mouvements d’avions où la France se classe 33e sur 40. En conclusion, l’Hexagone rétrograde à la 6e place du marché aérien de la zone Europe, derrière l’Italie ou la Turquie.

Les raisons de cette décroissance sont multiples, allant de la complexité des règlements, au couvre-feu d’Orly en passant par l’interdiction de vol si le ferroviaire assure une desserte en moins de 2 h 30, ou par le surcoût de la décarbonation en cours avec l’introduction progressive de SAF, plus onéreux, jusqu’aux taxes anciennes ou nouvelles (dont la hausse notable de la TSBA). Sur 27 pays de l’Union européenne, rappelle Pascal de Izaguirre, 20 pays n’ont aucune imposition du secteur aérien, « la Suède est revenue dessus et l’Allemagne a décidé de réétudier la question ».

Le groupe Air France-KLM, le plus touché, s’inquiète ainsi des « effets pervers » de la TSBA estimant que la récente hausse pèsera pour 100 M€ sur le résultat annuel du groupe, affaiblissant un peu plus sa compétitivité. Selon la FNAM, le total des taxes acquitté par le transport aérien français s’élève à 4 Md€ pour un chiffre d’affaires global de 18 Md€.

Les perspectives sont tout aussi inquiétantes : les trafics et donc les opérateurs se détournent de plus en plus de l’Hexagone, soit parce que des compagnies optent pour d’autres destinations (comme Ryanair), déménagent leurs bases, modifiant lignes et fréquences, soit parce que les passagers et les touristes se reportent vers d’autres étapes ou privilégient, en long-courrier, les hubs étrangers.

IATA : la compétitivité de l’aviation française en danger
L’IATA s’inquiète elle aussi, Willie Walsh, directeur général, précisant (lors de l’assemblée générale tenue à Paris fin janvier) : « Il n’y a aucun effet environnemental à augmenter le prix des billets, juste un énorme effet économique sur les passagers. » Estimant que « la compétitivité de l’aviation française et sa capacité à soutenir l’économie française sont en danger », l’association a d’ailleurs publié, fin 2024, un briefing¹ à destination du Gouvernement français dans lequel elle précise les « priorités » à traiter. D’abord, encourager la production de SAF et donc mobiliser les investisseurs, puis revoir la taxation du secteur. Selon elle, la récente hausse de la TSBA fait de la France « le premier pays de l’UE en matière de taxes sur les billets d’avion » et se traduira par « une perte de connectivité ». Enfin, outre le « manque de supervision » dont souffriraient les aéroports de l’Hexagone, l’IATA s’inquiète également des difficultés constatées dans l’espace aérien français, lequel « génère environ, 20 % de tous les retards européens ».

C’est dans ce contexte où elle craint que cette décroissance du transport aérien français soit entérinée au plus haut niveau de l’État, que la FNAM presse désormais le Gouvernement à définir une « stratégie nationale » dédiée, prenant en compte l’internationalisation du secteur.

1. « La politique française pour l’aviation » : https://www.iata.org/en/about/worldwide/europe/blog/la-politique-francaise-pour-laviation-briefing-pour-le-gouvernement/

Jean-Claude Pennec

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