Le 27 septembre, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) a publié sa nouvelle étude sur les transports maritimes. Dans ce baromètre annuel, la CNUCED livre une photographie précise du secteur, de façon globale, par grandes régions mondiales et par familles de trafics. Elle y analyse, aussi, les principaux enjeux du mode, accompagnés de recommandations.
Dans sa partie chiffrée, l’étude montre que l’industrie maritime « fait preuve de résilience », au lendemain de la crise pandémique de la Covid-19. Après une légère contraction de 0,4 %, l’an passé, ses prévisions tablent sur une reprise des volumes transportés par mer de 2,4 %, dès 2023. Cette croissance annuelle se maintiendrait jusqu’en 2028. L’impact des événements géopolitiques ou météorologiques, sur les échanges maritimes, serait davantage perceptible dans les schémas d’approvisionnement mondiaux. La guerre en Ukraine, par exemple, aurait eu pour conséquence d’allonger les distances parcourues pour les cargaisons de pétrole et de céréales. Dans le cas de ces derniers, « les pays importateurs ont été contraints de chercher d’autres exportateurs, tels que les États-Unis et le Brésil, nécessitant des expéditions plus longues », illustre la CNUCED.
Introduisant un exposé complet, sur la décarbonation du transport maritime et ses enjeux, l’organisation internationale se déclare « préoccupée par le vieillissement de la flotte mondiale. Début 2023, les navires de commerce avaient en moyenne 22,2 ans, soit 2 ans de plus qu’il y a dix ans. Plus de la moitié de cette flotte a plus de 15 ans », recense-t-elle. Plusieurs raisons peuvent expliquer ce vieillissement. L’une d’elles, non précisée dans l’étude, est la décision prise par de nombreux armateurs de maintenir en flotte des navires vieillissants, pour profiter de tarifs très élevés au cours des trois dernières années. Pour la CNUCED, ce vieillissement serait davantage dû « au manque de clarté sur les carburants alternatifs, les technologies écologiques et les régimes réglementaires nécessaires pour guider les investissements des amateurs, ainsi que des ports et des gestionnaires de terminaux ».
Or, le renouvellement de la flotte mondiale est présenté dans l’étude comme l’une des conditions pour décarboner le transport maritime, avec l’emploi de carburants moins émissifs en CO2. Un défi gigantesque puisque « près de 99 % de la flotte mondiale dépend encore des carburants conventionnels », constate-t-elle. Avant de tempérer : « 21 % des navires en commande actuellement sont conçus pour naviguer avec des carburants alternatifs. »
Dans son opus 2023, la CNUCED a évalué le coût de la décarbonation du transport de marchandises par mer d’ici 2050. Pour les seuls navires, les sommes à investir seraient comprises entre 8 à 28 Md$ par an. « Les investissements sont encore plus importants, allant de 28 à 90 Md$ par an, pour développer des infrastructures permettant d’utiliser des carburants 100 % neutres en carbone. » Selon ses estimations, « la décarbonation complète du transport maritime pourrait augmenter les dépenses annuelles en carburant de 70 à 100 %. »
Selon la CNUCED, le transport maritime de marchandises représente près de 3 % des émissions mondiales des gaz à effet de serre et elles ont augmenté de 20 % sur la dernière décennie. Les investissements pour le décarboner pourraient affecter, en premier lieu, les petits États insulaires et les pays qui dépendent de ce mode. Face à ce risque, l’organisation internationale préconise la mise en place d’un « cadre réglementaire universel, applicable à tous les navires », indépendamment de leur pavillon d’immatriculation, pays d’appartenance ou zone d’exploitation. À ses yeux, cette régulation permettrait d’éviter une décarbonation à deux vitesses et de maintenir des conditions de concurrence équitables. Les mesures économiques, telles que les taxes ou contributions, payées en fonction des émissions des navires, pourraient soutenir le développement des carburants alternatifs, en réduisant leur écart de coût avec les carburants conventionnels actuels. Les fonds collectés pourraient également servir à financer des investissements dans les ports et les terminaux pour les adapter au changement climatique. Si la finalité de ses recettes reste à préciser, l’extension du système d’échange de quotas d’émissions (SEQE) au transport maritime dans l’Union européenne semble correspondre à cette logique.