Décarbonation : tenir le cap et accélérer dans les transports
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Pour la première fois de son histoire, hors crise Covid, la France a connu en 2023 une baisse de ses émissions de gaz à effet de serre (GES) cohérente avec ses objectifs de décarbonation. « La baisse des émissions brutes de GES s’est accélérée sur la dernière année et se rapproche des rythmes attendus pour atteindre les objectifs 2030 de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC 3 encore en projet, NDLR) », affirme le Haut Conseil pour le climat (HCC). Dans son rapport annuel publié en juin, l’organisme indépendant chargé d’évaluer l’action publique en matière de climat, constate une réduction de 5,8 % des émissions brutes de GES en France par rapport à 2022. Elles se sont élevées à 373 Mt eqCO2. « [C’est] 31 % sous leur niveau de 1990. Ce repli de 22 Mt eqCO2 (comparé à 2022) est plus de deux fois supérieur à la baisse annuelle moyenne entre 2019 et 2022 (10,9 Mt). » Un tiers environ (7,5 Mt) du recul observé l’an passé proviendrait de facteurs conjoncturels. Non reproductibles, il s’agit du retour à la normale de la production électrique nucléaire et d’eau dans les barrages. En les excluant, la baisse reste conséquente (15,3 Mt) et encore dans la trajectoire de la SNBC 3, souligne le HCC. « Elle correspond à la valeur attribuable aux politiques publiques climatiques qui connaissent des avancées significatives et produisent des résultats. Elles sont inégalement structurées selon les secteurs et ne sont pas suffisamment alignées avec l’objectif de neutralité carbone en 2050 toutefois. »
Le transport de voyageurs et de fret est le premier secteur émetteur avec 34 % des émissions brutes nationales (127 Mt eqCO2). Entre 2022 et 2023, elles ont diminué de 3,4 % (- 4,4 Mt) grâce aux baisses constatées dans le transport routier principalement. Les émissions des poids lourds se sont contractées de 1,8 Mt, celles des voitures particulières de 1,5 Mt, et de 0,8 Mt pour les utilitaires légers. Le ralentissement économique explique une partie des replis relevés pour les camions et les utilitaires, tandis que l’électrification serait à l’origine de 40 % de la baisse des émissions de GES des voitures. Les émissions du transport international, non comprises dans les inventaires nationaux, ont progressé de 1,8 Mt eqCO2. Cette augmentation est due, pour l’essentiel, à la hausse des déplacements aériens (2,2 Mt eqCO2 émises en plus en 2023), non compensée par le recul des émissions du maritime (- 0,4 Mt) dû au ralentissement économique.
Dans les transports, le HCC constate « une transformation progressive des politiques publiques climatiques, d’une approche par projet à une approche plus systémique ». À ce titre, il estime que le secteur « a entamé sa trajectoire de décarbonation après avoir pris beaucoup de retard ». Pour les voyageurs, les dispositifs de soutien aux véhicules électriques sont « de plus en plus efficaces et complémentaires aux mesures européennes favorisant leur production ». L’accès aux véhicules électriques à tous les niveaux de revenus est à faciliter en revanche. Les actions en faveur du report modal, pour les voyageurs comme dans le fret, sont jugées insuffisantes. Elles « n’ont pas encore montré leurs effets et les outils permettant de maîtriser la demande de transport restent à trouver ». Dans le fret, « un changement d’échelle rapide est nécessaire pour décarboner les flottes ». Les motorisations alternatives destinées aux poids lourds sont particulièrement épinglées : « Elles n’évoluent quasiment pas alors que la stratégie nationale logistique a identifié les différents axes et besoins de décarbonation sans avoir, pour l’instant, permis d’entraîner de changement significatif. » Le HCC déplore enfin que l’adaptation au changement climatique des infrastructures de transport soit principalement abordée sous l’angle des dommages, sans anticipation sur les aléas futurs.
Entre 2019 et 2023, la branche Transports a contenu ses émissions de GES grâce… aux restrictions de déplacements de la crise Covid-19, selon le HCC. Bien qu’encourageante, la baisse observée l’an passé n’en demeure pas moins insuffisante. Entre 2019 et 2023, les émissions du secteur Transports ont diminué en moyenne de 1,6 Mt eqCO2 par an. Pour atteindre les cibles provisoires du projet SNBC 3, elles devront baisser de 5,2 Mt par an, soit un rythme annuel moyen 3,2 fois supérieur ! Après les transports, les secteurs les plus émetteurs en France sont l’agriculture (20 %), l’industrie (17 %), le bâtiment (16 %) et l’énergie (10 %). Pour toutes les filières, le HCC déplore le retard, de plus d’un an, pris dans la publication des documents-cadres relatifs à l’énergie et au climat. Ce retard entraînerait, selon lui, des dérives dans les calendriers, un manque de clarté et d’appropriation des objectifs à horizon 2030. Les documents en suspens sont la Loi de programmation et la Stratégie française énergie-climat, la SNBC 3, le plan d’adaptation au changement climatique ou encore la programmation pluriannuelle de l’énergie 3.
Erick Demangeon
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Le 7 avril 2022, le Forum Vies Mobiles a publié : « La Ville du quart d’heure : voie à suivre ou mirage idéologique ? » Carlos Moreno, le diffuseur de la ville du quart d’heure, et Pierre Veltz, ingénieur, économiste et urbaniste, qui en remet en cause les vertus, répondaient aux questions introductrices de Vincent Kaufmann. J’invite nos lecteurs à qui cette publication aurait échappé à lire les deux contributions qui posent des questions importantes pour le pilotage des évolutions économiques, écologiques, sociales et territoriales auxquelles notre pays doit faire face. Dans une France en archipel sur le plan territorial et sociologique, que les commentateurs du dernier scrutin s’accordent à déclarer fracturée sur le plan politique, il sera utile d’explorer rationnellement les points de la controverse pour trouver des solutions opératoires et acceptées. La disjonction entre la ville des électeurs et la ville active des travailleurs de la première ligne et des jeunes cadres et employés du secteur productif explique pourquoi la maire de Paris (à l’instar des maires socialistes et verts des grandes villes) a obtenu un score très élevé aux élections municipales et assez modeste au niveau national. Ce n’est pas uniquement l’effet d’un vote utile. Un entrepreneur politique ne présente plus une offre collective, mais tente d’agréger les différentes demandes de ses « clients », face à des attentes aussi divergentes et sans projets collectifs, ce n’est pas facile. Avec le « package de la ville du quart d’heure », on gagne les municipales, mais on n’a pas de projets collectifs pour la Nation.
Lors des scrutins locaux, les électeurs des grandes villes choisissent ce qui leur semble être le meilleur programme pour gérer leur cocon urbain habillé par des valeurs correspondant à leur intérêt immédiat. Au niveau national, les citoyens comprennent assez clairement qu’il faut que la machine à produire du pouvoir d’achat continue de fonctionner et estiment, majoritairement, qu’il n’est pas tout à fait sérieux d’affirmer que les difficultés d’un pays où les dépenses publiques pèsent structurellement 55 % du PIB résultent au premier chef des effets d’un néolibéralisme effréné.La fin de l’opposition entre la droite et la gauche historiques (au sens ancien : les rentes vs l’égalité des chances, le partage de la valeur ajoutée entre le travail et le capital, la reproduction des conditions, surtout à travers l’école et l’héritage immobilier1 vs le mérite, l’émancipation par la culture et le travail vs l’aliénation du travailleur machine, etc.) n’est pas le fruit d’une recomposition politique, mais la traduction idéologique d’une évolution fondamentale. Jusqu’à la fin des années 1980, en France, on pouvait encore dire « les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain » sans être contredit par les faits.
Les forts gains de productivité du secteur productif généraient un surplus suffisant pour financer l’extension des services publics et de l’État providence. Les surplus d’aujourd’hui servent une augmentation de la valeur des actifs qui concentre le patrimoine et alimentent surtout les recettes fiscales. Il s’en suit une perte de sens et même une inversion des valeurs. La valeur travail, le mérite, l’ouverture sont revendiqués par le bloc élitaire et le repli identitaire, nationaliste ou vers des petites communautés localistes et des tribus sont devenues des valeurs de la gauche populaire qu’elle soit classée – à tort pour la majorité des électeurs – d’extrême droite ou d’extrême gauche. Sans un projet collectif, il sera difficile de concilier des aspirations démocratiques si différentes selon les échelles. Il s’agit d’un défi majeur pour les politiques d’aménagement des territoires et de transport dans un contexte de retour de l’inflation et de nécessaire maîtrise de la consommation d’énergie. L’équipe de TI&M – économie, politique, société – prépare un dossier dans les prochains mois pour apporter sa contribution au débat.
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