Décarbonation du TRM, une étude de la DGE : L’électrique à batteries sort gagnante d’une analyse multicritère
©© iStock - Les camions électriques réduisent de 70 à 90 % les émissions de gaz à effet de serre par rapport aux camions diesel avec le mix électrique décarboné français.
Les énergies alternatives au diesel dans le transport routier sont analysées le plus souvent sous l’angle de leurs émissions à l’échappement ou, mieux, sur leur cycle de vie complet. Aussi l’étude publiée le 10 juillet par la Direction générale des entreprises (DGE) se distingue-t-elle. Elle analyse 5 technologies alternatives : l’électrique à batteries (EB), le gaz naturel pour véhicule (GNV), avec sa version bio par méthanisation de déchets organiques, les biocarburants B100 produits à partir de colza, le HVO fabriqué à partir de déchets également, et enfin l’hydrogène, provenant soit d’énergies fossiles, soit de sources bas-carbone par électrolyse et utilisé avec une pile à combustible. Chacune a été analysée selon 3 dimensions : environnementale, l’offre vue par les transporteurs, la souveraineté industrielle et énergétique nationale. Ces dimensions ont été étudiées au moyen de 14 critères.
Au plan environnemental, l’analyse sur le cycle de vie de l’EB réduit de 70 à 90 % les émissions de GES par rapport au diesel B7 avec le mix électrique décarboné français (- 45 à – 65 % avec mix européen). Pour l’hydrogène « vert », les gains s’élèvent entre 65 et 85 %. À l’échappement, les deux technologies offrent un gain de 100 %. À l’inverse, les solutions B100, HVO et GNV avec sa version bio, ne posséderaient « aucun potentiel décarbonant significatif à l’échappement » ni sur le cycle de vie si les paramètres suivants sont intégrés. L’étude cite tout d’abord « les changements d’affectation des sols, la déforestation et les fuites de méthane pour le GNV ». La priorisation des usages dans d’autres secteurs, la concurrence avec l’alimentation humaine et les gisements de biomasse limités forment une deuxième catégorie de paramètres alors que « la capacité structurelle des systèmes français » permettrait « de couvrir tous les besoins électriques potentiels ». La DGE estime en outre que « seuls 3 % » du GNV consommé par les camions seraient bio. Le reste serait « virtuel », reposant sur un mécanisme de garanties d’origine à partir de gaz fossile. L’étude pointe enfin l’effet de « vase communicant » entre le développement du B100 et les besoins de biodiesel incorporé dans le B7 consommé par les voitures, utilitaires et camions.
Environnement toujours, les émissions atmosphériques des technologies électriques (EB et pile à combustible avec hydrogène « vert ») sortent gagnantes grâce à l’absence de combustion moteur. A contrario, celles émises par les biocarburants B100 et HVO seraient à des niveaux proches du diesel. Quant au GNV (en sachant que seuls 3 % seraient bio), « un gain modéré est constaté pour les oxydes d’azote (NOx) » tandis que les autres polluants (particules fines, CO, HC) seraient « équivalents ou plus élevés que le B7 ».
Réalités du terrain
En dehors de l’hydrogène sans offre réelle, « toutes les technologies proposent des véhicules disponibles couvrant la majorité des segments » selon la DGE. Pour les transporteurs cependant, l’EB a de moins bonnes performances en raison d’une autonomie limitée et d’une perte de capacité d’emport due aux batteries. Sur le plan opérationnel, les technologies électriques concentreraient également le plus grand nombre de contraintes en raison de la perte d’emport, de la gestion et des temps de recharge ou de la formation des conducteurs. Pesant sur les capacités d’investissement et de financement, les surcoûts d’acquisition sont très significatifs également avec, dans le cas de l’EB, une multiplication par deux a minima, aides incluses ! Pour les motorisations GNV, les prix d’acquisition sont supérieurs de 20 à 30 % sans aides, et sont similaires pour les options HVO et B100. À l’inverse, les coûts de possession ou d’exploitation (TCO) seraient plus compétitifs jusqu’à 40 % avec les camions EB. Les autres technologies affichent des TCO quasi identiques au diesel.
Sur le plan social enfin, les transporteurs reconnaissent un net avantage aux solutions électriques en matière de « confort conducteur » grâce à la réduction du bruit et des vibrations ainsi qu’une meilleure souplesse de conduite.
Pour la souveraineté industrielle et énergétique nationale, l’étude souligne que 100 % de l’électricité consommée en France est produite sur le territoire. Pour le HVO, les importations s’élèveraient à plus de 90 %, dont 60 % hors UE. Même constat pour le GNV et sa version bio, qui serait composée à 97 % de gaz fossile. Son origine est de plus en plus carbonée, souligne la DGE citant le gaz de schiste américain. Si le B100 bénéficie au colza français, la part des importations pour incorporer du biodiesel dans le B7 augmenterait (vase communicant) jusqu’à 70 %, dont 30 % hors UE. Sur le plan industriel enfin, l’option EB générerait le plus de retombées en France. En 2024, plus de 80 % des camions électriques immatriculés ont été assemblés sur le territoire contre 40 à 45 % pour le diesel, 75 % pour les motorisations B100 et 10 % pour celles au GNV. Pour mémoire, seuls 1 500 camions électriques circulent dans l’Hexagone sur un parc de 625 000 véhicules.
La DGE précise que ses conclusions ne constituent pas des recommandations ni des prévisions sur l’évolution du mix énergétique des poids lourds. Sa publication a provoqué néanmoins une fronde de la part des filières du transport routier de marchandises, des biocarburants liquides et des bioGNV. Elles sont en désaccord sur le potentiel décarbonant des biocarburants, la souveraineté industrielle et s’étonnent que ni l’impact environnemental des batteries ni la dépendance aux matériaux critiques, liés aux solutions électriques, ne soient abordés dans l’étude.
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Le 7 avril 2022, le Forum Vies Mobiles a publié : « La Ville du quart d’heure : voie à suivre ou mirage idéologique ? » Carlos Moreno, le diffuseur de la ville du quart d’heure, et Pierre Veltz, ingénieur, économiste et urbaniste, qui en remet en cause les vertus, répondaient aux questions introductrices de Vincent Kaufmann. J’invite nos lecteurs à qui cette publication aurait échappé à lire les deux contributions qui posent des questions importantes pour le pilotage des évolutions économiques, écologiques, sociales et territoriales auxquelles notre pays doit faire face. Dans une France en archipel sur le plan territorial et sociologique, que les commentateurs du dernier scrutin s’accordent à déclarer fracturée sur le plan politique, il sera utile d’explorer rationnellement les points de la controverse pour trouver des solutions opératoires et acceptées. La disjonction entre la ville des électeurs et la ville active des travailleurs de la première ligne et des jeunes cadres et employés du secteur productif explique pourquoi la maire de Paris (à l’instar des maires socialistes et verts des grandes villes) a obtenu un score très élevé aux élections municipales et assez modeste au niveau national. Ce n’est pas uniquement l’effet d’un vote utile. Un entrepreneur politique ne présente plus une offre collective, mais tente d’agréger les différentes demandes de ses « clients », face à des attentes aussi divergentes et sans projets collectifs, ce n’est pas facile. Avec le « package de la ville du quart d’heure », on gagne les municipales, mais on n’a pas de projets collectifs pour la Nation.
Lors des scrutins locaux, les électeurs des grandes villes choisissent ce qui leur semble être le meilleur programme pour gérer leur cocon urbain habillé par des valeurs correspondant à leur intérêt immédiat. Au niveau national, les citoyens comprennent assez clairement qu’il faut que la machine à produire du pouvoir d’achat continue de fonctionner et estiment, majoritairement, qu’il n’est pas tout à fait sérieux d’affirmer que les difficultés d’un pays où les dépenses publiques pèsent structurellement 55 % du PIB résultent au premier chef des effets d’un néolibéralisme effréné.La fin de l’opposition entre la droite et la gauche historiques (au sens ancien : les rentes vs l’égalité des chances, le partage de la valeur ajoutée entre le travail et le capital, la reproduction des conditions, surtout à travers l’école et l’héritage immobilier1 vs le mérite, l’émancipation par la culture et le travail vs l’aliénation du travailleur machine, etc.) n’est pas le fruit d’une recomposition politique, mais la traduction idéologique d’une évolution fondamentale. Jusqu’à la fin des années 1980, en France, on pouvait encore dire « les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain » sans être contredit par les faits.
Les forts gains de productivité du secteur productif généraient un surplus suffisant pour financer l’extension des services publics et de l’État providence. Les surplus d’aujourd’hui servent une augmentation de la valeur des actifs qui concentre le patrimoine et alimentent surtout les recettes fiscales. Il s’en suit une perte de sens et même une inversion des valeurs. La valeur travail, le mérite, l’ouverture sont revendiqués par le bloc élitaire et le repli identitaire, nationaliste ou vers des petites communautés localistes et des tribus sont devenues des valeurs de la gauche populaire qu’elle soit classée – à tort pour la majorité des électeurs – d’extrême droite ou d’extrême gauche. Sans un projet collectif, il sera difficile de concilier des aspirations démocratiques si différentes selon les échelles. Il s’agit d’un défi majeur pour les politiques d’aménagement des territoires et de transport dans un contexte de retour de l’inflation et de nécessaire maîtrise de la consommation d’énergie. L’équipe de TI&M – économie, politique, société – prépare un dossier dans les prochains mois pour apporter sa contribution au débat.
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