Bordeaux-Toulouse, sauvé des basses eaux budgétaires ?

©© PASSION SNCF

Ligne nouvelle Paris-Normandie, Ligne nouvelle PACA, Grand Projet ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO), LGV Nîmes-Montpellier : parmi ces projets, la branche Bordeaux-Toulouse du GPSO (par opposition à Bordeaux-Dax) devrait être le projet le moins fragilisé par la rigueur budgétaire qui promet de s’abattre, les pouvoirs publics envisageant, au pire, un recours au financement privé pour le mener à terme.
C’est l’un des enseignements de la conférence Ambition France Transports clôturée mi-juillet. Le Conseil d’orientations des infrastructures (COI) présidé par David Valence est chargé d’établir un nouveau tri des réalisations prioritaires afin d’étayer une loi d’orientation.
Relancée par Jean Castex lorsqu’il était Premier ministre, la LGV du Sud-Ouest bénéficie d’un consensus politique au nom du principe de l’aménagement du territoire. Son coût pharaonique – évalué dans sa totalité à près de 12 Md€, dont 8 Md€ pour le tronçon Bordeaux-Toulouse – semble occulté, alors même que l’addition finale excède toujours les devis initiaux. Rappelons la clé de financement supposée : État 40 %, collectivités 40 % à travers l’emprunt de la Société du Grand Projet du Sud-Ouest (SGPSO) et Union européenne 20 %. « La LGV Bordeaux-Toulouse est primordiale », défend l’ancien ministre et élu local charentais Dominique Bussereau qui vient de présider Ambition France Transports. Pour lui, « Toulouse étant devenue la troisième ville de France devant Lyon, il est inconcevable qu’elle ne soit pas reliée à Paris en 3 h comme l’est Marseille et n’ait ainsi pas accès à la Belgique et à l’Angleterre ». La lutte contre le dérèglement climatique est également invoquée. « Jusqu’à 26 navettes aériennes par jour ont desservi Toulouse, ce n’est pas très vertueux », ajoute-t-il.
Avec le lancement au printemps 2024 des premiers travaux – ils concernent les accès de Toulouse et de Bordeaux qui seront très utiles pour les futurs SERM – les deux présidents de régions espèrent rendre le programme GPSO irréversible.
«
L’État a déjà engagé 2,5 Md€ inscrit dans le budget de l’AFITF et a voté de nouveaux engagements cet été », souligne Guy Kauffmann, directeur général de la SGPSO qui porte le financement des collectivités. Une centaine d’ingénieurs de Systra, titulaire d’un contrat de 150 M€, planchent sur la définition des éléments techniques nécessaires aux appels d’offres. Le lancement de ce processus pour choisir les entreprises de BTP devrait avoir lieu mi-2026 dans la perspective théorique d’une mise en service en 2032.
Acté l’an dernier, le principe d’un découpage en quatre lots géographiques du chantier doit faciliter le travail. Il est prévu pour la branche centrale deux marchés distincts de conception-réalisation (Bordeaux-Agen et Agen-Toulouse) d’environ 4 Md€ chacun.
Mais le possible désengagement financier de l’État, mobilisé par le Lyon-Turin et le canal Seine-Nord, risque d’obliger à un changement de pied. Lors d’une conférence réunissant un aréopage d’investisseurs qui s’est tenue dans le cadre d’Ambition France Transports, Bercy a préparé le terrain à un retour des grands PPP ou contrat de partenariats ferroviaires (à l’image de ceux de Tours-Bordeaux ou du Mans-Rennes) présentés comme une alternative miracle. « Nous devons faire davantage appel au financement privé », a résumé le ministre de l’Économie Éric Lombard, piste entérinée ensuite par le Gouvernement. « Le trafic attendu est tel que l’intérêt du privé devrait être soutenu », assure Dominique Bussereau.

Le recours aux partenariats public-privé pourrait avoir au moins deux conséquences, la première étant d’étaler le projet dans le temps, ce qui peut arranger l’État. « Le processus d’organisation du marché et la sélection des candidats pourrait faire perdre au moins dix-huit mois et vraisemblablement trente mois », calcule un proche du dossier. Mais cette solution pourrait également renchérir le coût du projet, estime un expert hostile à cette solution. « Si on réunit les deux lots Bordeaux-Agen, Agen-Bordeaux pour faire un PPP, la concurrence va certainement se réduire à deux principaux acteurs, car tous n’ont pas les capacités à traiter un sujet à 8 Md€. »
Dans ce qui n’est encore qu’une hypothèse, il conviendra de suivre la position des collectivités qui ont installé l’EPL de financement (SGPSO) en instaurant des impôts sur un vaste périmètre (une soixante de millions d’euros par an), dès lors que les collectivités apporteraient alors la majeure partie des fonds publics.
Si le PPP est une concession, la question du niveau soutenable des péages sur la section Bordeaux-Toulouse et celui des péages cumulés sur la liaison Paris-Toulouse méritera d’être soigneusement examinée en relisant les différents avis publiés sur l’étude socio-économique quant aux conditions à réunir pour maintenir la VAN socio-économique à un niveau acceptable.
Enfin, il faudra également suivre de près la position de l’UE quant à sa participation financière à un projet qui serait recentré sur le maillon Bordeaux-Toulouse.

Marc Fressoz

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