L’ÉDITO
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VERS UNE RÉVISION PROFONDE DES PRIORITÉS D’INVESTISSEMENT EN FRANCE ET EN EUROPE
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LE PACTE VERT FACE AU CHAMBOULEMENT DE L’AGENDA EUROPÉEN
Le pacte vert face au chamboulement de l’agenda européen
OBSERVATION DE LA LOGISTIQUE EN FRANCE : UNE DÉMARCHE COLLABORATIVE
ÉDITO
VERS UNE RÉVISION PROFONDE DES PRIORITÉS D'INVESTISSEMENT EN FRANCE ET EN EUROPE
La France a fait le choix de privilégier la consommation et le pouvoir d’achat au détriment de la production et de la création de richesses. Après plusieurs décennies, il est devenu patent qu’on ne parvenait plus à tenir les deux bouts. L’effet déflationniste des 64 % de produits importés dans notre consommation et l’augmentation de la dette publique ne suffisent plus à tenir la promesse d’une amélioration du « pouvoir de vivre ». Les revenus tirés du tourisme, des services et les retours financiers des investissements internationaux ne suffisent pas à maintenir les équilibres. Sur ce plan notre pays est dans une position singulière et défavorable, même comparée aux autres pays de l’UE.
Il a également été abondamment démontré que l’effort d’investissement indispensable pour mettre en route la transition écologique¹ allait constituer un choc négatif sur la productivité et la création de richesses par simple effet d’éviction des investissements de réindustrialisation et de productivité.
Toutefois, y renoncer conduirait assurément à une impasse bien plus coûteuse à moyen terme. Sans une réindustrialisation massive et profonde, la contribution de la France pour réduire les GES connaîtra un net coup d’arrêt. Il est vrai qu’une usine fermée n’émet plus du tout de GES, mais si l’on doit substituer les produits par des importations plus carbonées, la belle affaire ! Il n’y aura pas de souveraineté possible. En revanche, cela conduira à la poursuite de l’affaiblissement de la cohésion territoriale et donc nationale.
Le changement d’ordre planétaire et le récent retournement d’alliance ajoutent une dimension nouvelle à l’équation. Les démocraties européennes doivent se préparer à fonctionner dans une nouvelle ère de conflits majeurs.
La guerre économique est une réalité depuis déjà de très nombreuses années, avec des règles du jeu de plus en plus brutales. Les grands exportateurs européens, dont certains se sont pressés à la cérémonie d’investiture du nouveau « président d’Amérique », ont exercé un puissant magistère sur les gouvernements européens conduisant à un déni. L’alerte lancée par la pandémie mondiale et le « sauve-qui-peut général » qui en a découlé ont révélé l’extrême dépendance de l’Europe. Les annonces récentes de l’exécutif états-unien ne laissent désormais plus aucune place au doute. Lorsque la baisse de la productivité ne permet plus de maintenir le pouvoir d’achat des masses laborieuses sans stopper l’emballement de la « pompe à richesses² », on se tourne vers les droits de douane pour compléter l’impôt. Les déclarations de D. Trump qui assimilent la TVA et les droits de douane illustrent très froidement le projet. La guerre géopolitique, à l’ère des deals planétaires « postdiplomatiques », subordonne le droit international et, n’ayant pas peur des mots, l’état de droit aux intérêts supposés des peuples³. Il s’agit de la tentation, bien connue dans l’histoire des nationalismes, d’exporter les contradictions et conflits intérieurs à l’échelle de la planète tout entière, quelles qu’en puissent être les conséquences.
Enfin, il n’est malheureusement pas exagéré de considérer que l’Europe est entrée dans une nouvelle période de guerre froide dans l’acception militaire du terme. Mais une guerre froide avec deux volontés impérialistes qui partagent une même vision du monde et une même communauté d’intérêts.
En se limitant à une « économie de guerre froide », sans envisager un enchaînement qui pourrait conduire à un conflit armé plus général en Europe, les conséquences sur la réorientation des investissements sont déjà colossales. Comment réallouer les capacités de financement entre investissements publics (industrie de défense, défense, infrastructures vitales, etc.) et investissements privés ? Comment faire pour ne pas stopper net les investissements indispensables à la transition écologique et économique ? Comment moins dépendre de biens vitaux importés et se préparer à des embargos ciblés visant à affaiblir l’Europe et la France ? Il est certain que l’urgence de la réindustrialisation et de la souveraineté nationale et/ou européenne doit être mise à la puissance carrée. Avec immédiatement une nouvelle question : comment maintenir une solidarité entre les nations européennes alors même que les intérêts des uns et des autres seront durement mis à mal ?
Le besoin de cohésion interne et entre pays de l’Union va exiger à la fois beaucoup de sang-froid et quelques révisions majeures dans la répartition des efforts à consentir. La première ligne ne sera pas exactement la même qu’au cours de la pandémie. La lucidité et la clarté des choix en matière d’investissements, en renonçant au « toujours plus » du fonctionnement, doivent viser à ne pas désarmer dans l’effort pour réduire l’empreinte carbone nationale, pour adapter les territoires aux effets du changement climatique, pour rétablir le fonctionnement de nos infrastructures vieillissantes (de transport, de réseau électrique, d’eau, etc.), et pour atteindre l’indépendance énergétique en même temps que la décarbonation.
Cela exigera sans doute un quatrième épisode de notre dossier consacré au financement des transports.
Notes
1. L’essentiel des mesures les plus simples et indolores pour réduire les émissions a déjà été mis en place, une part importante de progrès réalisés résulte des efforts de l’industrie. Toutefois, pour agir efficacement en faveur de la planète et des générations futures, c’est la diminution de l’empreinte des Français qu’il faut viser et, sur ce plan, les résultats restent encore très modestes.
2. Peter Turchin, Le chaos qui vient. Élites, contre-élites, et la voie de la désintégration politique, traduction française Le Cherche Midi, 2024.
3. Yascha Mounk, Le Peuple contre la démocratie, traduction française Les Éditions de l’Observatoire, 2018.
LE PACTE VERT FACE AU CHAMBOULEMENT DE L'AGENDA EUROPÉEN
Renouvelée il y a quelques semaines, à la suite des élections de juin 2024, la Commission européenne est en train de modifier profondément son agenda. Alors que la décarbonation était le maître mot des cinq dernières années, d’autres priorités s’imposent : énergie, compétitivité, défense… Quelles en sont les implications pour la France, notamment dans le champ des transports ?
Avec le pacte vert (Green Deal), la décarbonation est depuis quelques années au sommet de l’agenda de l’Union européenne. Le rapport sur le climat publié par la Commission en novembre 2024¹ se montre optimiste. La baisse des émissions est de 37 % depuis 1990 et nous serions en bonne voie pour atteindre l’objectif de moins 55 % à l’horizon 2030. Le rapport souligne que dans le même temps, le PIB de l’UE a progressé de 68 %. Il n’y aurait donc pas de contradiction entre croissance économique et décarbonation.
Le pari de la décarbonation
est-il en voie d’être tenu ?
Les émissions de CO2 ont ainsi diminué de 8,3 % en 2023 par rapport à 2022. La baisse a été encore plus marquée pour les centrales électriques, avec une réduction de 16,5 %. Sous l’effet de la croissance des sources d’énergie renouvelable, éolienne et solaire notamment, le recul a atteint 24 % pour les émissions liées au système d’échange de quotas d’émission de l’UE, lequel a généré 43,6 Md€ de revenus pour l’UE. Cependant, en 2023, la croissance du PIB de l’UE n’a été que de 0,7 % comme en 2024. Cela peut expliquer une partie de la baisse des émissions. S’il n’y a pas de contradiction entre décarbonation et croissance, un certain couplage existe qui a d’ailleurs ralenti en 2024 : - 3,5 %, un chiffre insuffisant puisque pour atteindre la cible de - 55 % il faudrait une baisse annuelle de -5,5 %.
La baisse des émissions ne doit pas être confondue avec la réduction de l’empreinte carbone, laquelle prend en compte les émissions des importations. Pour la France, la figure 1, proposée par l’Insee, montre que l’empreinte carbone par habitant reste supérieure à 9 tonnes de CO2 équivalent par an et par habitant.
Figure 1 : Émissions de CO2 et empreinte carbone en tonne CO2 équivalent par personne
Si la baisse des émissions de la production intérieure est forte, il n’en va pas de même des émissions directes des ménages, notamment pour les mobilités.
Selon le site Copernicus, en 2024, les émissions ont augmenté de 2 % pour le transport terrestre et de 9 % pour le transport aérien. Pour remédier à ces résultats décevants, il faudrait accélérer l’électrification du parc roulant et prendre des mesures contraignantes sur les mobilités, notamment touristiques. Néanmoins, les politiques publiques se heurtent ici à des questions d’acceptabilité, mais également à des enjeux macroéconomiques. Pourquoi freiner un secteur dynamique alors même que la croissance patine, accentuant les faiblesses de l’Europe face aux nouvelles contraintes stratégiques ? Sans que le pacte vert soit abandonné, il a été complété le 26 février 2025 par le pacte pour une industrie propre (Clean Industrial Deal). Le communiqué de la Commission rappelle que « confrontées à des coûts de l’énergie élevés et à une concurrence internationale féroce et souvent injuste, nos entreprises ont besoin d’un soutien urgent ». On ne saurait mieux dire !
Un chamboulement stratégique multiforme
En une quinzaine d’années, l’Union européenne a été soumise à de violents, chocs externes et internes : la crise des « subprimes » en 2008, la crise de l’euro en 2011-2012, le référendum sur le Brexit en 2016, l’épidémie de Covid en 2020, la guerre en Ukraine en 2022 (annoncée par l’annexion de la Crimée en 2014) et maintenant le chamboule-tout orchestré par D. Trump.
- En matière d’énergie, face à l’agression de l’Ukraine par son voisin, il a fallu trouver dans l’urgence un substitut au gaz russe et se tourner vers le gaz liquéfié des États-Unis et des pays du Golfe. Les questions, notamment environnementales, posées par ces approvisionnements, sont passées au second plan.
- La hausse des prix de l’énergie a été un facteur majeur de la perte de compétitivité de l’Union européenne. La valeur ajoutée, qui sert de fondement au PIB, se définit comme le chiffre d’affaires moins les consommations intermédiaires. Quand le prix de ces dernières croît rapidement, la valeur ajoutée stagne ou diminue. C’est ce qui explique les difficultés de l’industrie allemande, victime d’un prélèvement extérieur. La production industrielle est aussi en baisse en Italie depuis deux ans. En France, elle est aujourd’hui 7 % plus faible qu’en 2019, 15 % de moins qu’en 2008 !
- La question de la compétitivité est donc cruciale pour la souveraineté industrielle de l’Europe. Ainsi, l’industrie automobile tournant au ralenti, l’UE a dû engager un dialogue stratégique avec la filière automobile pour l’aider à passer le cap difficile de l’électrification. Les ventes de véhicules électriques ne décollent pas et face à la concurrence des constructeurs chinois, il a fallu accroître les droits de douane.
La France en décalage ?
Le contraste est saisissant. À l’échelle internationale, la France, seule à détenir l’arme nucléaire au sein de l’UE, se présente comme le chef de file de la nouvelle priorité donnée à la défense européenne. Le président de la République évoque la nécessité d’accroître les dépenses militaires. Mais la France est « en même temps » le cancre de la classe budgétaire européenne. Même si la présidente de la Commission européenne envisage d’exonérer les dépenses militaires de la règle qui limite les déficits, il est clair que la France va se trouver face à des choix douloureux. La compétition pour les fonds publics était déjà soutenue, elle va devenir une source de tensions majeures, politiques et sociales. Nous le verrons dans les mois qui viennent, avec la préparation du budget 2026, celui de l’État, mais aussi celui des collectivités territoriales.
Les dernières années ont été fastes pour le budget des collectivités territoriales, mais la situation ne sera pas la même dans les années à venir. Le rapport publié en juillet 2024² par l’observatoire des finances et de la gestion publique locales (OFGPL) montre qu’en 2023 les budgets des collectivités territoriales ont souffert d’un effet de ciseaux. Les recettes ont diminué ou stagné, car les versements de l’État ont été moindres. Dans le même temps, les dépenses augmentaient mécaniquement du fait de l’inflation, de la hausse du point d’indice des fonctionnaires ou des projets engagés, notamment par les Régions pour améliorer les services ferroviaires. Il en est résulté un accroissement du besoin de financement. La figure 2, extraite du rapport de l’OFGPL, montre que plusieurs régions sont déjà en situation tendue. Cela ne fait que commencer.
Figure 2 : Capacité ou besoin de financement des régions en 2023. Sources : DGCL. Données : DGFIP, comptes de gestion. Budgets principaux.
Or, dans beaucoup de régions, de grands espoirs accompagnent les projets de SERM. Certains continuent à parler de RER, alors que la seule amélioration de l’offre TER coûtera cher, et d’autant plus s’il s’agit principalement d’améliorer la fréquence en heure creuse. La création du versement mobilité régional (VMR) ne résoudra pas l’équation financière. Le VMR n’est à ce jour qu’une façon de laisser croire que tout continuera comme avant (voir dans le no 548 l’article de Guy Bourgeois sur l’argent gaspillé du VM et dans ce numéro l’article du même auteur qui présente un diagnostic d’ensemble sur le VM).
La course aux financements reste la règle du jeu des relations entre l’État et les collectivités territoriales. Or, pour l’un comme pour les autres, les marges de manœuvre budgétaires seront de plus en plus étroites. Il serait temps de revenir à la raison, surtout au moment où, pour l’Union européenne, la question clé devient celle des mobilités militaires³ !
Notes
1. https://climate.ec.europa.eu/document/download/d0671350-37f2-4bc4-88e8-088d0508fb03_en
2. https://www.collectivites-locales.gouv.fr/files/Accueil/DESL/2024/OFGL/Rapport%20OFGL%202024%20V3.pdf
3. Voir à ce sujet le récent rapport de la Cour des comptes européenne. https://www.eca.europa.eu/fr/publications/SR-2025-04
OBSERVATION DE LA LOGISTIQUE EN FRANCE : UNE DÉMARCHE COLLABORATIVE
Un système d’observation de la logistique, fiable et d’usage facile, est nécessaire pour fonder une stratégie nationale et en suivre la mise en œuvre. Le troisième et récent séminaire sur ce thème marque une avancée notable dans la mise en place d’un dispositif opérationnel.
En 2015, la Conférence nationale sur la logistique avait préconisé la mise en place d’un outil d’observation de la logistique¹, mais cette proposition consensuelle resta longtemps sans suite. Alors que le premier Comité interministériel de la logistique (Cilog²) se réunit en 2020, ce n’est qu’en 2022 que put se tenir une première séance de présentation d’un observatoire national de la logistique, conçu par l’équipe de l’université Gustave Eiffel avec le soutien du ministère des Transports (DGITM) et du ministère de l’Économie (DGE³).
Cette première réalisation montrait que l’exercice était faisable et que son résultat pouvait utilement alimenter une réflexion politique sur la logistique en France même si, bien sûr, il était à ce stade incomplet et perfectible.
Le troisième séminaire national organisé sur ce thème, le 13 janvier 2025 au ministère de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, a été marqué par la diversité des acteurs représentés et le haut niveau des contributions.
C’est Rodolphe Gintz, directeur général des infrastructures, des transports et des mobilités qui, significativement, ouvre la séance⁴. Il met en avant la collaboration entre acteurs privés et publics, la mise à disposition d’informations inédites, l’organisation en réseau d’observatoires régionaux en coopération avec l’Observatoire national, la création en cours d’un atlas actualisé des entrepôts, la complémentarité entre le service statistique du ministère (le SDES) et l’université Gustave Eiffel, ainsi que l’aptitude de leurs travaux à contribuer à l’élaboration et au suivi des politiques publiques.
Suivent les diverses séquences de la journée, introduites et animées par Corinne Blanquart et Paul Vilain (pour l’université Gustave Eiffel) et par Xavier-Yves Valère et François Tainturier (qui forment l’équipe de la DGITM dédiée à la logistique).
Tableau de bord de la logistique en France
Présentée par Paul Vilain, la Synthèse du tableau de bord (Données 2023) constitue la production centrale de l’Observatoire national. Elle s’est fortement étoffée depuis l’édition précédente et est désormais complétée de trois cahiers thématiques sur les territoires, les politiques publiques et l’immobilier logistique⁵.
Immobilier logistique
Vinciane Bayardin (SDES) présente l’enquête nouvelle sur les entrepôts en cours de réalisation (un « atlas »), portant sur les surfaces de plus de 10 000 m². Sonia Menand (du groupe de conseil en immobilier d’entreprise CBRE) souligne l’importance de la transparence des données pour un bon fonctionnement du marché, ainsi que l’intérêt qu’aurait un atlas européen.
Analyse économique
Présentant l’analyse économique de l’activité logistique, Corinne Blanquart et Paul Vilain insistent sur la nécessité d’améliorer la connaissance de sa compétitivité et de sa qualité de service, à travers des données de coûts, de prix, de partage de la valeur, prenant aussi en compte les efforts d’optimisation, l’attitude des chargeurs, etc.
François Tainturier prolonge l’analyse par des éléments d’étude de la demande de transport de marchandises, décomposant celle-ci selon 27 filières productives. Le volume de fret apparaît davantage lié à l’indice de production industrielle qu’au PIB. En matière de prospective, le volume de fret français en tonnes-kilomètres pourrait augmenter de 19 % à l’horizon 2050 par rapport à son niveau de 1990. Cet exercice vient aussi nourrir la planification écologique, prenant en compte les actions de modération de la demande et des émissions de gaz à effet de serre, dans le cadre de la troisième édition de la SNBC (Stratégie nationale bas-carbone).
L’étude de la demande est approfondie par une nouvelle enquête auprès des chargeurs, présentée par François Combes (du laboratoire SPLOTT de l’UGE). Cette démarche, qui se différencie des enquêtes traditionnelles menées auprès des opérateurs de transport, permet de mieux connaître l’influence de l’environnement logistique des entreprises sur l’organisation du fret.
Une table ronde réunissant des représentants d’activités économiques fortement demandeuses de transport de marchandises (Fabrice Accary de l’AUTF, Samuel Carpentier d’Intercéréales et Olivier Galisson de France Chimie) vient enrichir ces approches générales par la présentation des conditions économiques prévalant dans leurs secteurs : environnement international et pression de la concurrence, évolutions techniques et perspectives des marchés, qui conditionnent leurs possibilités d’optimisation des transports et notamment de report modal vers des alternatives à la route.
Annoncé par un précédent Cilog, l’Observatoire national de la performance portuaire (OPP) est désormais en place et présenté par Arthur de Cambiaire et Claire Arnault (du bureau de la stratégie portuaire de la DGITM). Privilégiant quatre thèmes d’analyse (compétitivité, développement économique, transition écologique, transition énergétique), il compare les principaux ports français, mais les situe aussi par rapport à leurs puissants concurrents des pays voisins. À terme rapproché, le modèle économique des ports devra être repensé face au déclin des trafics d’hydrocarbures et selon leur capacité d’adaptation à la transition énergétique ainsi que selon l’acceptabilité des projets de redéveloppement et de décarbonation des zones industrialo-portuaires.
Territoires
Paul Vilain montre que le marché de l’immobilier logistique connaît une pénurie de locaux disponibles et de ressources foncières dans la plupart des régions.
François Tainturier souligne la poursuite de la mise en place d’observatoires régionaux et des efforts de convergence dans le choix des méthodes d’observation et des indicateurs. Julie Raffaillac (de Régions de France) et Céline Lammin (en charge du développement de l’axe Sud MeRS : Méditerranée/Rhône-Saône) confirment ce processus collectif de progrès et de mise en cohérence.
Environnement
Paul Vilain rappelle que, pour se conformer à la trajectoire de la SNBC, la France doit faire passer son rythme de diminution des émissions de gaz à effet de serre de 2 % à 5 % par an. Les transports doivent y avoir toute leur part. Une méthode européenne unifiée de mesure des émissions est en cours d’élaboration (CountEmissionsEU).
Quant à l’artificialisation des sols, la contribution des entrepôts est modeste par comparaison avec la construction de logements.
Marc Cottignies (de l’Ademe) et Mehdi Medmoun (du ministère de l’Aménagement du territoire et de la Transition écologique) précisent le choix des méthodes de mesure des émissions : faut-il prendre en compte les seules émissions locales, intégrer la filière amont de production de l’énergie, raisonner en matière d’analyse du cycle de vie ? Pour l’heure, prévaut la réglementation Info GES. Ils donnent des ordres de grandeur des émissions des diverses composantes de la logistique (y compris les déplacements des consommateurs, l’entreposage, les emballages, etc.). Les entreprises sont encouragées à diminuer leurs émissions à travers le mécanisme des certificats d’émissions, qui devrait gagner en cohérence.
Benoit Dubois-Taine (d’Afilog) expose la manière dont son organisation – à la suite de la charte d’engagement signée avec l’État – a construit un indicateur synthétique de l’empreinte carbone des bâtiments logistiques. Il porte sur toute la vie des bâtiments, avec les phases de construction (et de démolition cinquante ans plus tard), de rénovation et d’exploitation (hors manutention dans l’entrepôt). Une première publication, à l’échelle européenne, est prévue prochainement.
Perspectives
Xavier-Yves Valère et Corinne Blanquart tirent les conclusions de la journée et esquissent les axes de travail pour l’année qui vient : prolonger l’analyse de la performance économique des activités logistiques, donner plus d’importance aux questions sociales et aux conditions de travail, à l’économie circulaire (liens entre gestion logistique, emballage, usage de l’eau), à la logistique urbaine, préciser le partage et la complémentarité entre logistique pour compte propre et pour compte d’autrui, renforcer les comparaisons internationales et enfin, de manière générale, poursuivre la démarche collective des organisations contribuant à l’observation.
Cette journée a démontré la mise en place progressive d’un véritable réseau d’observation de la logistique à acteurs multiples, publics et privés. La démarche est systémique, à la fois pluridisciplinaire, plurisectorielle et pluriscalaire. Il faut espérer qu’elle se renforcera encore malgré un contexte budgétaire contraint.
Notes
1. La logistique en France. État des lieux et pistes de progrès, rapport du comité scientifique, ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, mars 2015.
2. Incidemment, on note que, dans la période récente de recomposition répétée du Gouvernement, le Cilog 2024 ne s’est pas tenu formellement. Un document cosigné par le Gouvernement et l’association France Logistique, intitulé Feuille de route logistique et transport de marchandises 2025-2026 (Mettre la logistique au service d’une France compétitive, résiliente, souveraine et en pleine transition écologique), de novembre 2024, semble tenir lieu de relevé de décision de ce Cilog fantôme.
3. Blanquart C., Vilain P. et Savy M., Tableau de bord de la logistique en France, pour le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires (DGITM) et le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique (DGE), université Gustave Eiffel, décembre 2022.
4. On note que, du côté des administrations centrales, le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique ne participe plus à l’observatoire, comme il le faisait naguère à travers la Direction générale des entreprises (DGE).
5. Tous ces documents sont disponibles sur le site de l’Observatoire : Observatoire National de la Logistique. https://splott.univ-gustave-eiffel.fr/observatoire-national-de-la-logistique
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