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L’ÉDITO

CHRONIQUES

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STRATÉGIE FRANÇAISE POUR L’ÉNERGIE ET LE CLIMAT : LE TEMPS DU DÉBAT DÉMOCRATIQUE

CHRONIQUES

REPORT MODAL, SOBRIÉTÉ, DÉCARBONATION… OÙ EN EST LE TRANSPORT DE MARCHANDISES ?  

OBSERVATION DE LA LOGISTIQUE EN FRANCE : UNE DÉMARCHE COLLABORATIVE

(Chronique publiée dans le TI&M n° 549)

 

ÉDITO

STRATÉGIE FRANÇAISE POUR L'ÉNERGIE ET LE CLIMAT : LE TEMPS DU DÉBAT DÉMOCRATIQUE

Que penser des quatre documents qui énoncent la stratégie de transition écologique de la France en l’absence de loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC) pourtant prévue par la Loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) du 17 août 2015 et par la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat ?

La concertation préalable s’est tenue sur un délai très court entre le 4 novembre et le 16 décembre 2024. Elle a été conduite sous l’égide de trois garants, Isabelle Barthe, Marc Di Felice, Dominique Pacory, désignés par la Commission nationale du débat public (CNDP). Le bilan du débat a été dressé par la garante et les garants en date du 25 janvier 2025.

Pour la qualité du débat public et démocratique, il m’a semblé utile de faire écho, in extenso, à certaines des demandes de précisions et des recommandations adressées aux ministères chargés de la Transition écologique et de l’Énergie par les garants et d’inciter nos lecteurs à lire le bilan complet et la réponse du Gouvernement en date du 24 mars 2025.

« Présenter dans une note juridique l’articulation des décrets de PPE et de SNBC avec leur encadrement juridique en explicitant la hiérarchie des normes : cadre communautaire et transposition en droit français.

Il conviendra notamment de préciser le statut de la loi de programmation sur l’énergie et le climat (LPEC) dans ce cadre et d’expliquer la périodicité de la SNBC : devrait-elle recouvrir comme la PPE les périodes 2031-2035 et 2036-2040, pour être en phase avec l’échelon européen ? »

« Préciser comment le document “Stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique”, qui a été publié en octobre 2024, pourrait évoluer à la lumière de la concertation sur les projets de la PPE et de la SNBC, notamment en ce qui concerne le volet budgétaire du secteur public et le budget de l’État. Peut-on faire un véritable outil de programmation, servant de base à un débat législatif sur les voies et les moyens de mise en œuvre des stratégies prospectives bas-carbone et énergétique de la France ? »

« Préciser selon quels critères seront faits les arbitrages entre la nécessité de préserver les puits de carbone (forêts, marais…) et le développement de la production de biomasse. »

« Préciser les incidences du projet de PPE sur le bouclage électrique (équilibre entre l’offre et la demande d’électricité), les coûts de production futurs de l’électricité résultant des investissements prévus par la PPE (nucléaire, ENR, raccordement…), les répercussions sur le pouvoir d’achat des ménages et l’économie des entreprises. »

 « Annoncer dès que possible les calendriers prévisionnels de publication des projets de décrets de la PPE et de la SNBC et indiquer comment le public pourra exercer son droit à l’information et à la participation aux décisions publiques. Préciser notamment quels seront les délais entre la reddition des comptes sur la présente concertation et la mise en consultation des documents finalisés, accompagnés des avis des instances consultatives, dont celui de l’Autorité environnementale. Dans cette optique, publier dès que possible l’évaluation environnementale portant sur la SNBC accompagnée de l’avis de l’Autorité environnementale. »

« Capitaliser sur la mobilisation des parties prenantes et des publics pour poursuivre la concertation sur les modalités de mise en œuvre des décrets, notamment en matière d’élaboration de politiques adaptées aux différents territoires (ruraux, urbains, métropolitains, ultramarins) : de sobriété, prenant en compte les enjeux sociaux et de pouvoir d’achat ; de mobilité incluant les divers modes de transport ; d’accompagnement des mutations liées à la transition énergétique en ce qui concerne l’emploi dans les différentes filières (agriculture, industrie, services…). Pour ce faire, publier un calendrier des différentes étapes et préciser comment les COP territoriales, les corps intermédiaires et les instances consultatives ainsi que le public au sens large pourraient être mobilisés. »

Notes

1. 1° La Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3) qui établit les priorités d’action du gouvernement dans le domaine de l’énergie pour les dix années à venir et fixe le cap pour l’ensemble des filières énergétiques (renouvelables, fossiles, nucléaire…) ; 2° La Stratégie nationale bas-carbone (SNBC3) qui définit la trajectoire de la France pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) à l’horizon 2050 et fixe des « budgets carbone », des plafonds d’émissions de GES à ne pas dépasser par période de cinq ans ; 3° Le Plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC) ; et surtout 4° La Stratégie pluriannuelle des financements de la transition écologique et de la politique énergétique nationale (SPAFTE) qui fixe les moyens pour atteindre les objectifs fixés dans les trois autres documents (SNBC, PPE et PNACC) et devrait constituer un élément central de la Stratégie française pour l’énergie et le climat (SFEC) d’autant plus en l’absence de loi de programmation soumise à un débat démocratique.

2. Document à télécharger sur le site de la CNDP : https://www.debatpublic.fr/ressources-175

3. https://concertation-strategie-energie-climat.gouv.fr/sites/default/files/2025-03/250313_R%C3%A9ponse%20du%20gouvernement%20%C3%A0%20la%20concertation%20SNBC-PPE_vF_0.pdf

REPORT MODAL, SOBRIÉTÉ, DÉCARBONATION…
OÙ EN EST LE TRANSPORT DE MARCHANDISES ? 

Le Conseil d’analyse économique (CAE) vient de publier¹, en coopération avec le Conseil franco-allemand des experts économiques, une note de travail sur le transport de marchandises. Un secteur qui, depuis vingt-cinq ans, prend un malin plaisir à s’écarter de sa feuille de route officielle. Le CAE en présente les raisons, lesquelles conduisent à s’interroger : pourra-t-il réussir sa décarbonation ?

Comment s’en débarrasser ? La figure du mistigri illustre l’opinion dominante sur le fret. Ces millions de tonnes de marchandises qui franchissent les frontières ne sont-ils pas le fruit d’une mondialisation qu’il est de bon ton de dénoncer ? Personne n’aime les camions qui encombrent les routes et les aires de repos. Chacun préférerait voir les marchandises sur le rail, si les trains de fret passent à bonne distance du domicile. Mais pourquoi le report modal vers le rail reste-t-il marginal presque partout en Europe et tout particulièrement en France ? Ne pourrait-on pas aussi réduire les flux et la demande de transport de fret ? Cette sobriété s’ajoutant à l’abandon des carburants d’origine fossile, nous pourrions réaliser la décarbonation inscrite dans nos engagements climatiques. Est-ce possible ?

Le report modal et les prophéties autodestructrices

En France, le monde des transports a connu quelques succès pour le transport de personnes. Pour le fret il a multiplié les prophéties autodestructrices. Le trafic fluvial de marchandises en tonnes.km (t.km) a baissé de 25 % de 2008 à 2023, tout comme le tonnage transitant par les 5 principaux ports maritimes français.

Sans connaître la dégringolade française, le fret ferroviaire stagne en Europe. Tout s’est passé comme s’il existait pour le rail une sorte de plafond de verre l’empêchant d’accroître de façon significative ses trafics.

Et que dire du fret ferroviaire ? Moins 47 % en vingt-cinq ans ! Pourtant, à la fin des années 1990, J.-C. Gayssot, ministre des Transports, envisageait un doublement du trafic ferroviaire de fret qui, en 2015, devait atteindre 100 milliards de t.km. À cette date, il n’était que de 36,3 milliards de t.km. Il a encore diminué depuis, 29,4 milliards en 2023 ! Nous avons déjà expliqué dans cette revue les facteurs à l’origine de ce fiasco (voir le no 541) dont, contrairement aux idées reçues, l’ouverture à la concurrence a permis de minimiser les effets à partir de 2010. Sans connaître la dégringolade française, le fret ferroviaire stagne en Europe. Tout s’est passé comme s’il existait pour le rail une sorte de plafond de verre l’empêchant d’accroître de façon significative ses trafics.

 Évolution des trafics ferroviaires de fret dans quelques pays d’Europe
(milliards de t.km).

L’Allemagne ne fait pas exception à cette règle même si les trafics y ont fortement progressé de 2000 à 2016 (+ 64 %), mais ils ont diminué ensuite (- 9 %) et surtout ils n’ont pas fait diminuer la part modale de la route. Le ferroviaire a seulement pris des parts de marché à la voie d’eau. L’Allemagne nous offre ainsi un cas d’école aidant à comprendre l’origine de ce plafond de verre. Comme l’indique le CAE : « Le principal obstacle au report modal est l’inadéquation entre les services ferroviaires et les besoins en matière de transport de marchandises […] La majeure partie des marchandises en Europe est en effet transportée sur des distances inférieures à 200 km et concerne des envois d’un poids maximal de 30 tonnes. » Laissons le CAE en tirer les conclusions : « En Allemagne, l’objectif ambitieux fixé par le gouvernement de porter la part du fret ferroviaire à 25 % d’ici 2030 a peu de chance d’être atteint.

En France, l’objectif de doubler cette part de 9 % en 2019 à 18 % en 2030 semble également hors de portée et rappelle des objectifs passés qui n’ont jamais été atteints. »

Le découplage est déjà une réalité

Le paysage du transport terrestre de marchandises est donc dominé par la route. Dans l’Union européenne, les camions assurent 78 % du trafic. La poursuite de la croissance économique, même ralentie, ne va-t-elle pas conduire à une thrombose routière comme celle que l’on observe déjà sur certains axes majeurs ? La question est pertinente puisque de 1970 à 2008, les trafics de marchandises ont augmenté en Europe (x 2,7) plus vite que la production industrielle (x 1,8) et que le PIB (x 2,3). En France, en 2016, le Commissariat général au développement durable (CGDD) publiait une étude prospective prolongeant cette tendance.

Le trafic de poids lourds devait progresser de 30 % de 2012 à 2030 et de 61,5 % à l’horizon 2050. Le taux de remplissage croissant, les t.km routières augmentaient encore plus, respectivement 34 et 86 % pour le scénario central de croissance du PIB. Comment éviter une telle escalade ?

Prospective du transport routier de marchandises (CGDD 2016).

Dans son rapport, le CAE indique que « la sobriété doit devenir une priorité politique essentielle à long terme. La réduction des flux de marchandises les plus intensifs en transport et la relocalisation des circuits logistiques pourraient limiter l’empreinte carbone du secteur ».

Même si cela ressemble à un vœu pieux, force est de constater qu’il s’est déjà en partie réalisé. À la suite de la crise financière de 2008, les trafics routiers de marchandises ont diminué avant de se stabiliser. En France, après le « peak car », le « peak freight » est devenu une réalité.

Transports ferroviaire et routier de marchandises en France.

Un découplage entre trafics de marchandises et PIB s’est donc manifesté puisqu’au cours des quinze dernières années, ce dernier a progressé de près de 25 %. Un indicateur aide à comprendre ce découplage², l’intensité de trafic soit les t.km terrestres rapportées au PIB. Il montre clairement un avant et un après 2008. Avant cette date les trafics progressent et l’intensité kilométrique est stable. Après 2008, elle ne cesse de diminuer, nous serions nous convertis à la sobriété ?

Transport terrestre de marchandises et intensité de trafic en France.

La réalité est plus prosaïque. Le découplage entre flux de marchandises et PIB provient d’abord de la désindustrialisation. En France, la production industrielle était en 2024 inférieure de 18 % à celle de 2008. Le second facteur est le ralentissement de la croissance. L’élasticité entre PIB et trafics est en effet variable. Les flux de marchandises surréagissent, à la hausse comme à la baisse. Or, comme la réindustrialisation espérée ne sera pas de grande ampleur et comme la croissance économique restera modérée à long terme, les trafics de marchandises ne connaîtront pas d’embellie. Mais cela sera-t-il suffisant pour réduire les émissions de CO2 ?

Quels carburants pour quelle décarbonation ?

La stratégie nationale bas-carbone (SNBC) fixe des objectifs ambitieux au transport routier de marchandises. Par rapport à 1990, les émissions doivent avoir baissé de 40 % en 2030 et de près de 100 % en 2050. Pour relever ce défi, l’identité de Kaya nous rappelle que les leviers disponibles sont peu nombreux : le report modal, le niveau de la demande, le taux de remplissage des véhicules et la baisse des émissions unitaires. Les lignes qui précèdent nous apprennent qu’il n’y a pas grand-chose à attendre des trois premiers.

Quelles marges de manœuvre nous offre le quatrième ? À l’exception des e-fuels³, les technologies passées en revue par le CAE substituent l’électricité aux carburants liquides. L’électricité peut être fournie par des batteries, pour de courtes ou longues distances, avec des chargeurs plus ou moins puissants (< 350 KW ou > 1 MW). Il est aussi possible d’échanger une batterie vide contre une batterie chargée. L’électricité, produite avec des énergies renouvelables, peut aussi provenir d’une pile à combustible (PAC) alimentée par de l’hydrogène. L’alimentation électrique du poids lourd peut aussi se faire en continu, comme pour les trains, en installant des caténaires au-dessus de la voie de droite des autoroutes. Cette option est étudiée de près en Allemagne, curieusement le CAE n’évoque pas son concurrent français, les camions étant alimentés par un rail au sol. Cette « solution » d’alimentation en continu se heurte, quelle que soit sa forme, à des limites importantes, notamment financières, pour son déploiement.

Pour évaluer la pertinence des diverses options, le CAE se fonde sur 4 critères : la maturité technologique⁴, la compétitivité⁵, le potentiel de réduction des émissions et la rapidité du déploiement. Le résultat est présenté en couleur. Le bleu indique les options les plus favorables, les autres étant, par ordre croissant d’incertitude, en jaune, en orange et en blanc. Dans ce classement, seuls les camions à batterie tirent leur épingle du jeu, ce qui incite le CAE à en soutenir la diffusion par des aides publiques. « Les camions électriques à batterie représentent actuellement la technologie la plus mature et le plus proche d’une commercialisation pour le transport routier de marchandises. » La voie à suivre est donc claire, mais à quel rythme sera-t-elle empruntée ? Les ventes de poids lourds électriques progressent lentement, ils représenteront une faible part du parc roulant en 2030, insuffisante pour atteindre dans les temps les objectifs de décarbonation.

Les technologies alternatives et leur contribution à la décarbonation du transport de marchandises.

Notes

1. https://www.cae-eco.fr/decarboner-le-transport-routier-de-marchandises

2. Curieusement, le CAE appelle de ses vœux un découplage qui est déjà une réalité y compris en Allemagne où, de 2007 à 2023, le trafic routier de fret est passé de 343 milliards de t.km en 2007 à 286 en 2023 (- 17 % contre + 15 % pour le PIB).

3. Les e-fuels sont des carburants liquides de synthèse, issus d’un procédé consistant à recombiner un mélange de monoxyde de carbone (CO) et d’hydrogène (H2) pour former des molécules d’hydrocarbures. Leur maturité technologique est encore faible, si elle s’améliorait, le transport aérien en serait le principal destinataire.

 4. Le niveau de maturité technologique est évalué par un indicateur, le TRL (technology readiness level) s’échelonnant de 1 (faible) à 9 (élevé).

5. La compétitivité est fondée sur le coût total de possession (TCO) lequel prend en compte à la fois les coûts fixes et les coûts variables des véhicules. Le CAE indique qu’à l’horizon 2030 les camions à batterie seront les seuls dont le TCO sera de 15 à 20 % inférieur au TCO des camions diesel.

OBSERVATION DE LA LOGISTIQUE EN FRANCE : UNE DÉMARCHE COLLABORATIVE

Un système d’observation de la logistique, fiable et d’usage facile, est nécessaire pour fonder une stratégie nationale et en suivre la mise en œuvre. Le troisième et récent séminaire sur ce thème marque une avancée notable dans la mise en place d’un dispositif opérationnel.

En 2015, la Conférence nationale sur la logistique avait préconisé la mise en place d’un outil d’observation de la logistique¹, mais cette proposition consensuelle resta longtemps sans suite. Alors que le premier Comité interministériel de la logistique (Cilog²) se réunit en 2020, ce n’est qu’en 2022 que put se tenir une première séance de présentation d’un observatoire national de la logistique, conçu par l’équipe de l’université Gustave Eiffel avec le soutien du ministère des Transports (DGITM) et du ministère de l’Économie (DGE³).

Cette première réalisation montrait que l’exercice était faisable et que son résultat pouvait utilement alimenter une réflexion politique sur la logistique en France même si, bien sûr, il était à ce stade incomplet et perfectible.

Le troisième séminaire national organisé sur ce thème, le 13 janvier 2025 au ministère de l’Aménagement du territoire et de la Décentralisation, a été marqué par la diversité des acteurs représentés et le haut niveau des contributions.

C’est Rodolphe Gintz, directeur général des infrastructures, des transports et des mobilités qui, significativement, ouvre la séance⁴. Il met en avant la collaboration entre acteurs privés et publics, la mise à disposition d’informations inédites, l’organisation en réseau d’observatoires régionaux en coopération avec l’Observatoire national, la création en cours d’un atlas actualisé des entrepôts, la complémentarité entre le service statistique du ministère (le SDES) et l’université Gustave Eiffel, ainsi que l’aptitude de leurs travaux à contribuer à l’élaboration et au suivi des politiques publiques.

Suivent les diverses séquences de la journée, introduites et animées par Corinne Blanquart et Paul Vilain (pour l’université Gustave Eiffel) et par Xavier-Yves Valère et François Tainturier (qui forment l’équipe de la DGITM dédiée à la logistique).

Tableau de bord de la logistique en France

Présentée par Paul Vilain, la Synthèse du tableau de bord (Données 2023) constitue la production centrale de l’Observatoire national. Elle s’est fortement étoffée depuis l’édition précédente et est désormais complétée de trois cahiers thématiques sur les territoires, les politiques publiques et l’immobilier logistique.

Immobilier logistique

Vinciane Bayardin (SDES) présente l’enquête nouvelle sur les entrepôts en cours de réalisation (un « atlas »), portant sur les surfaces de plus de 10 000 m². Sonia Menand (du groupe de conseil en immobilier d’entreprise CBRE) souligne l’importance de la transparence des données pour un bon fonctionnement du marché, ainsi que l’intérêt qu’aurait un atlas européen.

Analyse économique

Présentant l’analyse économique de l’activité logistique, Corinne Blanquart et Paul Vilain insistent sur la nécessité d’améliorer la connaissance de sa compétitivité et de sa qualité de service, à travers des données de coûts, de prix, de partage de la valeur, prenant aussi en compte les efforts d’optimisation, l’attitude des chargeurs, etc.

François Tainturier prolonge l’analyse par des éléments d’étude de la demande de transport de marchandises, décomposant celle-ci selon 27 filières productives. Le volume de fret apparaît davantage lié à l’indice de production industrielle qu’au PIB. En matière de prospective, le volume de fret français en tonnes-kilomètres pourrait augmenter de 19 % à l’horizon 2050 par rapport à son niveau de 1990. Cet exercice vient aussi nourrir la planification écologique, prenant en compte les actions de modération de la demande et des émissions de gaz à effet de serre, dans le cadre de la troisième édition de la SNBC (Stratégie nationale bas-carbone).

L’étude de la demande est approfondie par une nouvelle enquête auprès des chargeurs, présentée par François Combes (du laboratoire SPLOTT de l’UGE). Cette démarche, qui se différencie des enquêtes traditionnelles menées auprès des opérateurs de transport, permet de mieux connaître l’influence de l’environnement logistique des entreprises sur l’organisation du fret.

Une table ronde réunissant des représentants d’activités économiques fortement demandeuses de transport de marchandises (Fabrice Accary de l’AUTF, Samuel Carpentier d’Intercéréales et Olivier Galisson de France Chimie) vient enrichir ces approches générales par la présentation des conditions économiques prévalant dans leurs secteurs : environnement international et pression de la concurrence, évolutions techniques et perspectives des marchés, qui conditionnent leurs possibilités d’optimisation des transports et notamment de report modal vers des alternatives à la route.

Annoncé par un précédent Cilog, l’Observatoire national de la performance portuaire (OPP) est désormais en place et présenté par Arthur de Cambiaire et Claire Arnault (du bureau de la stratégie portuaire de la DGITM). Privilégiant quatre thèmes d’analyse (compétitivité, développement économique, transition écologique, transition énergétique), il compare les principaux ports français, mais les situe aussi par rapport à leurs puissants concurrents des pays voisins. À terme rapproché, le modèle économique des ports devra être repensé face au déclin des trafics d’hydrocarbures et selon leur capacité d’adaptation à la transition énergétique ainsi que selon l’acceptabilité des projets de redéveloppement et de décarbonation des zones industrialo-portuaires.

Territoires

Paul Vilain montre que le marché de l’immobilier logistique connaît une pénurie de locaux disponibles et de ressources foncières dans la plupart des régions.

François Tainturier souligne la poursuite de la mise en place d’observatoires régionaux et des efforts de convergence dans le choix des méthodes d’observation et des indicateurs. Julie Raffaillac (de Régions de France) et Céline Lammin (en charge du développement de l’axe Sud MeRS : Méditerranée/Rhône-Saône) confirment ce processus collectif de progrès et de mise en cohérence.

Environnement

Paul Vilain rappelle que, pour se conformer à la trajectoire de la SNBC, la France doit faire passer son rythme de diminution des émissions de gaz à effet de serre de 2 % à 5 % par an. Les transports doivent y avoir toute leur part. Une méthode européenne unifiée de mesure des émissions est en cours d’élaboration (CountEmissionsEU).

Quant à l’artificialisation des sols, la contribution des entrepôts est modeste par comparaison avec la construction de logements.

Marc Cottignies (de l’Ademe) et Mehdi Medmoun (du ministère de l’Aménagement du territoire et de la Transition écologique) précisent le choix des méthodes de mesure des émissions : faut-il prendre en compte les seules émissions locales, intégrer la filière amont de production de l’énergie, raisonner en matière d’analyse du cycle de vie ? Pour l’heure, prévaut la réglementation Info GES. Ils donnent des ordres de grandeur des émissions des diverses composantes de la logistique (y compris les déplacements des consommateurs, l’entreposage, les emballages, etc.). Les entreprises sont encouragées à diminuer leurs émissions à travers le mécanisme des certificats d’émissions, qui devrait gagner en cohérence.

Benoit Dubois-Taine (d’Afilog) expose la manière dont son organisation – à la suite de la charte d’engagement signée avec l’État – a construit un indicateur synthétique de l’empreinte carbone des bâtiments logistiques. Il porte sur toute la vie des bâtiments, avec les phases de construction (et de démolition cinquante ans plus tard), de rénovation et d’exploitation (hors manutention dans l’entrepôt). Une première publication, à l’échelle européenne, est prévue prochainement.

Perspectives

Xavier-Yves Valère et Corinne Blanquart tirent les conclusions de la journée et esquissent les axes de travail pour l’année qui vient : prolonger l’analyse de la performance économique des activités logistiques, donner plus d’importance aux questions sociales et aux conditions de travail, à l’économie circulaire (liens entre gestion logistique, emballage, usage de l’eau), à la logistique urbaine, préciser le partage et la complémentarité entre logistique pour compte propre et pour compte d’autrui, renforcer les comparaisons internationales et enfin, de manière générale, poursuivre la démarche collective des organisations contribuant à l’observation.

Cette journée a démontré la mise en place progressive d’un véritable réseau d’observation de la logistique à acteurs multiples, publics et privés. La démarche est systémique, à la fois pluridisciplinaire, plurisectorielle et pluriscalaire. Il faut espérer qu’elle se renforcera encore malgré un contexte budgétaire contraint.

(Chronique publiée dans le TI&M n° 549)

Notes

1. La logistique en France. État des lieux et pistes de progrès, rapport du comité scientifique, ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie, ministère de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique, mars 2015.

2. Incidemment, on note que, dans la période récente de recomposition répétée du Gouvernement, le Cilog 2024 ne s’est pas tenu formellement. Un document cosigné par le Gouvernement et l’association France Logistique, intitulé Feuille de route logistique et transport de marchandises 2025-2026 (Mettre la logistique au service d’une France compétitive, résiliente, souveraine et en pleine transition écologique), de novembre 2024, semble tenir lieu de relevé de décision de ce Cilog fantôme.

3. Blanquart C., Vilain P. et Savy M., Tableau de bord de la logistique en France, pour le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires (DGITM) et le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique (DGE), université Gustave Eiffel, décembre 2022.

4. On note que, du côté des administrations centrales, le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique ne participe plus à l’observatoire, comme il le faisait naguère à travers la Direction générale des entreprises (DGE).

5. Tous ces documents sont disponibles sur le site de l’Observatoire : Observatoire National de la Logistique. https://splott.univ-gustave-eiffel.fr/observatoire-national-de-la-logistique

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