Décarbonation de l’aérien : « il faut décider maintenant », insiste l’Académie des technologies

©Airbus - L’avionneur Airbus, à travers sa gamme ZEROe, travaille actuellement sur un moteur vert fonctionnant à l’hydrogène liquide.

En matière de décarbonation, le transport aérien pare actuellement au plus pressé en mobilisant les ressources en agrocarburants qui lui sont les plus accessibles. Plusieurs compagnies européennes (dont Air France-KLM), américaines ou asiatiques ont déjà signé d’importants contrats pluriannuels afin de sécuriser leurs approvisionnements. Il s’agit là de répondre aux premières obligations fixées par les États, telle la France (depuis janvier 2022, 1 % de SAF dans les réservoirs des appareils et 1,5 % à partir de 2024).

On reste néanmoins loin de l’objectif fixé qui prévoit qu’en 2050, le recours aux carburants durables représentera 63 % de cette décarbonation ; les 37 % restants provenant de l’évolution des aéronefs ou d’une meilleure gestion du trafic aérien.

« Avec ces carburants, on ne pourra pas dépasser 1 à 2 % (de SAF), ce qui sera insuffisant d’ici peu d’années », dit Daniel Iracane, le rédacteur du rapport que l’Académie des technologies vient de consacrer à ce sujet, sachant que le besoin en carburant durable en 2050 sera en Europe de l’ordre de 30 Mt. Le temps presse donc pour passer aux carburants de synthèse alors que Daniel Iracane remarque que la feuille de route récemment remise au ministre par le GIFAS, la FNAM et l’UAM est « en cohérence avec notre rapport quant aux ressources énergétiques qu’il est nécessaire de mobiliser et notamment en électricité bas carbone ».

L’enjeu est de taille : plus que d’acquérir ici et là de la biomasse, en quantité forcément limitée par la ressource disponible – qui plus est convoitée par plusieurs secteurs –, ou par la difficulté de la collecte, il s’agit de créer ni plus ni moins une filière industrielle, ce qui implique l’entrée en jeu de multiples acteurs. « Il n’y a pas aujourd’hui de projets industriels mûrs pour la production de kérosène de synthèse », note à ce propos Daniel Iracane. Il ne se dégage pas d’acteurs pour porter à maturité cette nouvelle filière et pire, le marché n’est pas suffisamment moteur, même si l’accord politique récent sur la future directive européenne concernant la décarbonation de l’aviation envoie un signal clair. « J’espère qu’au Bourget [le salon se tient du 19 au 25 juin 2023] on verra une amorce de politique industrielle […], l’État pouvant avoir un rôle de catalyseur, mais il faudra aussi une politique énergétique ambitieuse. » La France occupe ici une position singulière : « Elle peut lancer rapidement une telle filière industrielle grâce à la disponibilité de son mix électrique décarboné. Elle a le devoir de le faire. »

Mais l’Académie est formelle, si l’objectif est réalisable, « les ordres de grandeur énergétiques et l’ampleur du déploiement industriel nécessaire sont considérables ; c’est le cœur de l’affaire : si on prend des décisions rapides de décarbonation de l’économie, dont le secteur de l’aviation, mais au prix d’un effort de notre société. C’est encore faisable, mais c’est limite pour 2050. Il faut vraiment décider et agir maintenant ».

Jean-Claude Pennec

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